Douglas Diamond et Philip Dybvig ont reçu cette année le prix Nobel d’économie pour un des articles d’économie financière les plus cités par la littérature académique [en compagnie de Ben Bernanke, ancien président de la Réserve fédérale entre 2006 et 2014].
Cet article de 1983 justifie la « transformation de maturité » effectuée par le secteur bancaire. Les banques prêtent à long terme et se financent largement à court terme, que ce soit en utilisant les dépôts de la clientèle ou en s’endettant à court terme sur les marchés financiers. Cette transformation de maturité est un amplificateur considérable de toutes les grandes crises financières, celle de 2007-2009 ne faisant pas exception.
Les épargnants aiment la liquidité
Lors d’une crise, en effet, les prêteurs à court terme paniquent et interrompent leurs financements alors même que les banques n’ont pas les moyens de les rembourser, les fonds étant prêtés à long terme.
Pourquoi les banques effectuent-elles alors ce travail massif de transformation de maturité ? Et faut-il les contraindre à limiter cette activité dangereuse, qui concourt à l’aggravation des crises financières ?
Il y a toujours eu à cette question une réponse assez naturelle. Les banques font cela parce que les épargnants aiment la liquidité (la disponibilité immédiate de leur argent) ; ils privilégient donc les placements à court terme. Les banques rendent ainsi un service considérable en effectuant cette transformation, et il serait contre-productif de les contraindre à la limiter. Il faut même les aider en garantissant les dépôts, y compris les dépôts très importants, et si nécessaire en venant à leur secours quand elles rencontrent des difficultés de financement.
Evidemment, cette réponse ancienne de la plupart des économistes enchantait la profession bancaire, qui se voyait ainsi reconnaître un éventuel droit de tirage sur les finances publiques. Mais cette analyse restait assez intuitive et littéraire.
Un loup, ou plutôt plusieurs
L’apport de Diamond et Dybvig est, il y a quarante ans, d’avoir proposé une analyse formalisée qui, pour la première fois, validait rigoureusement, d’après eux, ces anciennes intuitions. L’article est en effet mathématiquement rigoureux… mais plutôt difficile à lire. Les économistes ont accepté la revendication des auteurs, et ont pris l’habitude de l’inclure systématiquement dans leur bibliographie. D’où le prix Nobel.
Mais il y a un loup, ou plutôt plusieurs.
L’intuition ancienne oubliait qu’il existe une autre façon de récupérer son argent : on peut revendre sur les marchés financiers des titres, notamment les titres à moyen ou long terme que les banques émettent en complément des dépôts pour se financer de façon plus stable, mais aussi plus coûteuse. Ou encore demander par exemple le rachat d’un contrat d’assurance-vie que la compagnie d’assurances aura investi à long terme.
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