Comme Futura le rappelait plus en détail dans le précédent article ci-dessous, les océanographes et climatologuesclimatologues se posent des questions sur la stabilité en bordure des continents de gigantesques zones où s’accumulent des hydrates de méthane appelés clathratesclathrates, des glaces contenant des quantités non négligeables de méthane. Or il s’agit d’un puissant gaz à effet de serregaz à effet de serre : un seul kilogrammekilogramme de CH4 équivaut à 25 kilogrammes de CO2 dans l’atmosphèreatmosphère. Suffirait-il que les océans se réchauffent un peu pour qu’il se libère ?
Si oui, ce serait catastrophique car vu le pouvoir d’amplification de l’effet de serre du méthane, les prédictions les plus pessimistes du GiecGiec pourraient même être dépassées ou survenir beaucoup plus tôt. Malheureusement, on connaît déjà des sites où du méthane suinte des gisementsgisements de clathrates et c’est pourquoi depuis de nombreuses années, plusieurs équipes de chercheurs se penchent sur toutes les questions que soulèvent, en rapport avec le réchauffement climatique en cours, ces gisements de clathrates.
Une bombe climatique à 500 mètres de profondeur ?
Une des dernières études en date provient d’océanographes de l’Université de Rochester, de l’US Geological Survey et de l’Université de Californie à Irvine. Elle prend la forme d’une publication dans Nature Geoscience issue des équipes menées par John Kessler, professeur au Département des sciences de la TerreTerre et de l’environnement, et DongJoo Joung, ancien chercheur au laboratoire de Kessler et maintenant professeur adjoint au Département d’océanographie de l’Université nationale de Pusan en Corée.
Les travaux menés l’ont été dans les régions de latitudelatitude moyenne – les zones subtropicales et tempérées de notre Planète bleue. On peut les résumer avec une déclaration de DongJoo Joung, premier auteur de l’étude publiée, dans un communiqué de l’Université de Rochester : « Dans les régions de latitude moyenne où cette étude a été menée, nous ne voyons aucune signature d’hydrates de méthane émis dans l’atmosphère. »
Le communiqué, quant à lui, commence par rappeler que les hydrates de méthane se forment là où ce gaz et l’eau se rencontrent dans des conditions de haute pressionpression et de basse température. Dans les parties de l’océan investiguées, les hydrates ne peuvent rester stables qu’à des profondeurs inférieures à environ 500 mètres sous la surface de la mer. Généralement, les hydrates deviennent plus stables à mesure qu’ils se trouvent sous la surface de la mer de sorte, qu’en fait, leur limite supérieure de stabilité constitue la région la plus susceptible de fondre sous l’effet du réchauffement des températures de l’eau de mer. Et, en bonus, les environ 500 mètres constituent en conséquence la distance la plus courte qu’une bulle de méthane libérée devrait parcourir avant d’atteindre l’atmosphère.
Toute la question était de savoir si le méthane finissait vraiment par être libéré au-dessus de l’océan.
Le verdict de la géochimie
Pour le savoir, les chercheurs ont appliqué un protocoleprotocole expérimental déjà éprouvé, à savoir en premier lieu prendre de multiples échantillons d’eau de mer à différentes profondeurs au-dessus des champs de clathrates. Ces échantillons ont ensuite été analysés avec des techniques de géochimie permettant d’identifier une signature isotopique propre aux moléculesmolécules de méthane provenant de ces clathrates, ce qui permet de le différencier d’autres sources de méthane, par exemple celui produit par l’activité humaine et qui peut passer de l’atmosphère à l’océan.
Les océanographes sont finalement arrivés à une conclusion similaire à celle déjà exprimée dans le précédent article de Futura en n’ayant trouvé que des quantités négligeables de gaz issu des hydrates de méthane dans les eaux de surface.
Le méthane se dissout d’abord dans les eaux profondes, puis des microbes océaniques biodégradent le méthane, le transformant en dioxyde de carbonedioxyde de carbone avant qu’il ne quitte l’eau.
Pour John Kessler, il s’agit de « bonnes nouvelles », mais des nouvelles qui soulignent le travail qui reste à faire. « Cela nous indique que pour réduire les sources de méthane dans l’atmosphère, nous pouvons concentrer davantage notre attention sur l’atténuation des émissionsémissions humaines. »
Du méthane s’échappe au fond des océans : y a-t-il danger ?
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 22 janvier 2018
Les hydrates de méthane, ou clathrates, mélanges de glace et de méthane emprisonné, sont de formidables réserves d’énergieénergie tapies en bordure des océans, notamment en ArctiqueArctique. Comme le méthane est un puissant gaz à effet de serre, ses réserves pourraient être une bombe climatique à retardement. Des micro-organismesmicro-organismes pourraient être néanmoins de bons alliés face à ce risque, comme le suppose une étude menée en Alaska.
Les mesures envisageables contre le réchauffement climatiques ne sont toujours pas suffisantes et le temps presse. Quoi qu’il arrive, il faudra payer les conséquences de l’évolution déjà amorcée et les perspectives, sans être tragiques, ne sont déjà pas réjouissantes. Cela pourrait malheureusement s’aggraver si l’humanité en venait à déstabiliser les réserves d’hydrates de méthane naturelles qui cachent sous l’eau et dans le pergélisolpergélisol des régions arctiques.
Depuis des décennies, les géologuesgéologues et les océanographes connaissent en effet l’existence en bordure des continents de gigantesques zones où s’accumulent ces hydrates de méthane, ou clathrates. Il s’agit de glace contenant des quantités non négligeables de méthane. Or il s’agit d’un puissant gaz à effet de serre : un seul kilogramme de CH4 équivaut à 25 kilogrammes de CO2 dans l’atmosphère. Malheureusement, si le méthane piégé dans les clathrates est stable dans des conditions de température et de pression données, il suffit que les océans se réchauffent un peu pour qu’il se libère. On comprend aisément, vu le pouvoir d’amplification de l’effet de serre du méthane, que le processus pourrait s’emballer avec libération de plus en plus massive de ce gaz, au fur et à mesure que la température de la planète augmenterait. Les prédictions les plus pessimistes du Giec pourraient donc devenir réalité et même être dépassées ou, pire, survenir beaucoup plus tôt.
Un mécanisme régulateur des émissions de méthane océanique ?
L’inquiétude est d’autant plus légitime que, depuis quelque temps déjà, des suintements de méthane ont été détectés en Arctique et ailleurs. Toutefois, plusieurs incertitudes sont à prendre en compte à ce sujet. Ces suintements pourraient se produire naturellement depuis longtemps, auquel cas ils n’indiqueraient pas l’imminence d’un problème grave. Surtout, il est possible qu’une bonne partie de ce méthane se dissolve dans l’eau de mer et ne rentre donc pas massivement dans l’atmosphère. Il n’en reste pas moins qu’une évaluation et une surveillance du phénomène est nécessaire pour mieux en comprendre les implications sur le climatclimat de notre planète à court terme.
C’est dans ce cadre qu’il faut inscrire les travaux d’une équipe de chercheurs états-uniens qui viennent d’être publiés dans la revue Science Advances. Ils ont effectué une campagne de recherche sur le talus continental au nord de l’Alaska, sur le flanc nord de la chaîne Brooks. Là se trouvent des réserves de clathrates semblant particulièrement susceptibles d’être déstabilisées car la région connaît un réchauffement parmi les plus importants.
Du méthane se forme naturellement de nos jours par décomposition de la matière organique au fond des lacs. Ils sont piégés sous la glace en hiver. © Rune Pettersen
Il y a des sources de méthanes naturelles et actuelles dans les océans et même les lacs, pour ne pas les confondre avec des sources plus anciennes, les géochimistes ont daté le méthane trouvé dans l’eau des océans au moyen de la technique basée sur le carbone 14. À leur grande surprise, ils ont découvert que peu de cet ancien méthane provenant des clathrates se trouvait dans l’eau et sa concentration diminuait en se rapprochant de la surface.
Une explication a été proposée et qui recoupe l’observation récente de l’existence de l’action très agressive de micro-organismes qui s’attaquent au méthane pour s’en nourrir en surface. Selon les chercheurs, il y aurait là un mécanisme naturel de régulation des émissions de méthane. Même si les clathrates venaient à être déstabilisés, jusqu’à un certain point au moins, les émissions de méthane ne rejoindrait pas l’atmosphère. Cette conclusion avait déjà été émise il y a quelques années après des mesures des suintements de méthane au large de la Californie.
On peut penser qu’il est encore temps d’agir pour éviter le pire…
Article de Grégoire Macqueron publié le 05/03/2010
Contrairement à ce que l’on pensait, le pergélisol sous-marinsous-marin n’est pas protégé du dégel par la mer. Des chercheurs américains viennent en effet de découvrir en Sibérie que de nombreuses fuites relâchent de grandes quantités de méthane dans l’atmosphère. Nul ne sait depuis quand ce puissant gaz à effet de serre s’échappe et si ce dégazagedégazage risque de provoquer un réchauffement brutal et dramatique du climat.
Les chercheurs de l’Université d’Alaska à Fairbanks (UAF) avaient déjà détecté en 2008 une augmentation des concentrations de méthane dans l’eau de mer au large du littoral sibérien. Une équipe internationale s’est donc intéressée de plus près au plateau continentalplateau continental de Sibérie orientale, qui a révélé de nombreux signes d’instabilité et de suintement de méthane. Or ce méthane (CH4) est un puisant gaz à effet de serre. L’émission d’un kilogramme de ce gaz correspond au rejet de 23 kilogrammes de dioxyde de carbone (CO2). Ce gaz, issu de la décomposition anaérobie de la matièrematière organique, est présent dans les sols, piégé dans le pergélisol (ou permafrost), et dans la mer, sous forme de dépôts côtiers d’hydrates de méthane (clathrates).
Si la fontefonte du pergélisol terrestre, causée par le réchauffement climatique, ainsi que les preuves de la déstabilisation des gisements marins d’hydrates de méthane, faisaient craindre un dégazage brutal du méthane, véritable bombe climatique, le pergélisol marin était considéré imperméable, donc sans risque.
Pourtant, au terme d’une campagne de mesures des taux de méthane au niveau du plateau continental à l’est de la Sibérie, l’équipe de Natalia Shakhova et d’Igor Semiletov de l’International Arctic Research Center (IARC) de l’UAF a constaté que « la quantité de méthane qui s’échappe actuellement du plateau arctique de la Sibérie orientale est comparable à celle qui s’échappe de l’ensemble des océans du monde. Le pergélisol sous-marin est en train de perdre ses caractéristiques de couvercle imperméable ».
Les scientifiques ont estimé que les émissions qui s’échappaient des « trous » du pergélisol sous-marin s’élevaient à 7 millions de tonnes de méthane par an, soit 2% du total des émissions mondiales.
Les émanations sont importantes… mais depuis quand ?
Le plateau continental de Sibérie orientale, riche en méthane, s’étend sur deux millions de kilomètres carrés. Il est donc est trois fois plus étendu que les zones humideszones humides sibériennes situées à proximité et considérées jusqu’à présent comme la principale source de méthane de l’hémisphère nord.De plus, ce plateau se trouve à de faibles profondeurs (environ 50 mètres), donc le méthane qui s’en échappe n’a pas le temps de s’oxyder pour se transformer en CO2. « On pensait que l’eau de mer maintiendrait gelé le pergélisol du plateau arctique de la Sibérie orientale. Personne n’avait tenu compte de cette immense zone » explique Natalia Shakhova.
Les mesures effectuées par les chercheurs ont démontré, dans une étude parue dans la revue Science, l’erreur de cet a priori. De 2003 à 2008, les concentrations de méthane ont été relevées dans le milieu marin à différentes profondeurs, et dans l’atmosphère depuis 10 mètres (en bateau) jusqu’à 2.000 mètres d’altitude (en hélicoptèrehélicoptère). Une expédition hivernale a pour sa part ausculté la banquisebanquise.Résultat étonnant : 80% des eaux profondes et plus de 50% des eaux de surface recèlaient des taux de méthane plus de 8 fois supérieurs à la normale, avec parfois des concentrations qui atteignent 1.400 fois cette norme !
Ce méthane était présent sous forme dissoute mais aussi sous la forme de bulles qui s’accumulent en hiverhiver sous la banquise. Logiquement, les taux de méthane atmosphérique se sont révélés eux aussi supérieurs à la norme. Au total, plus de 100 points chaudspoints chauds ont été identifiés.
« Notre préoccupation, indique Natalia Shakhova, est que le pergélisol sous-marin a déjà montré des signes de déstabilisation. Si cette déstabilisation s’accroît, les émissions de méthane pourraient ne pas être de l’ordre du million de tonnes, mais être beaucoup plus importantes. »« Le relargagerelargage dans l’atmosphère de seulement un pourcent du méthane supposé stocké dans les dépôts d’hydrate de faible profondeur pourrait multiplier l’effet actuel du méthane atmosphérique par trois ou quatre, ajoute-t-elle. Les conséquences climatiques d’un tel événement sont difficiles à prévoir. »
L’absence d’études antérieures du pergélisol marin rend impossible de déterminer depuis quand ces fuites de méthane se produisent, ni si le réchauffement climatique peut en être la cause. Il est donc important de poursuivre les études sur ce phénomène nouveau, ce à quoi s’attellent les chercheurs de l’IARC.
Seules de plus amples données sur la quantificationquantification de ces fuites et de son évolution permettront d’en découvrir les causes et, surtout, s’il y a un risque de dégazage massif. Auquel cas, l’hypothèse d’un emballement climatique à cause du méthane pourrait se réaliser.