« Je vous conseille d’avoir toujours vos EDL de prêts pour les plateaux télévisés », lance Léa Falco, avec le débit de mitraillette dont elle ne parvient pas à se défaire. L’une des membres du groupe de désobéissance civile qu’elle forme à intervenir dans les médias, ce soir-là, traduit aux autres : « Les EDL, ce sont les éléments de langage. » « Oui, pardon », dit en riant la jeune femme. Dans la petite salle de l’Académie du climat, structure lancée par la Ville de Paris en 2021, elle déroule sa présentation, préparée dans le RER juste avant d’arriver pour cause de journée « intense ». Et liste les questions à se poser avant de passer à l’antenne : « Comment je me présente ? Quelle est ma légitimité ? Comment je m’habille ? »
Appliqué à elle-même, cela donne : Léa Falco, 24 ans, membre du collectif Pour un réveil écologique, dont le manifeste a été signé par 33 000 étudiants, essentiellement de grandes écoles, afin d’accélérer la transition écologique en agissant dans l’enseignement supérieur et les entreprises. Tout juste diplômée de Sciences Po Paris, elle ne se sent pas toujours légitime, mais « [a] des choses à dire » en tant que « militante écolo » d’une génération qui sera durement frappée par la crise climatique. « J’aime le défi intellectuel de répondre du tac au tac aux arguments des autres. » Quant à sa tenue, elle opte invariablement pour des costumes. Elle « adore » et, sans cela, on ne la « prend pas au sérieux ».
La recette fonctionne puisque la jeune femme enchaîne les interventions publiques. Dans « C ce soir » sur France 5, sur le plateau de LCP, au micro de RTL ou de France Bleu, comme dans les colloques et congrès, elle débat aussi bien de l’injustice climatique après les dramatiques inondations au Pakistan que de l’impact environnemental du projet de loi de finances (PLF) ou de la nécessité de réduire la vitesse sur les autoroutes à 110 km/h. A chaque fois, elle déploie la même aisance à l’oral et une maîtrise des dossiers qui impressionnent ceux qui la côtoient. « Les médias me voient comme une bonne cliente », reconnaît-elle.
Interlocutrice crédible
Sa pratique de l’art oratoire, jeune, l’a aidée. Elle a aussi eu le temps de polir ses « EDL » après une année aux « Grandes Gueules », sur RMC. A son compteur : une quarantaine d’émissions, de trois heures à chaque fois, pour tenter de s’adresser à un public qu’« on ne touche jamais en tant qu’écolo ». A l’image de ses parents, électricien et infirmière en psychiatrie à Melun (Seine-et-Marne) et auditeurs du talk-show. Mais l’expérience lui laisse un arrière-goût amer. « On n’a pas le temps pour les nuances et le cadrage est tel qu’on ne peut pas gagner », regrette-t-elle. Les autres pensionnaires, « libéraux », tentent de la décrédibiliser et de l’enfermer dans la case de l’écolo de gauche, étudiante et parisienne, adepte d’une « écologie punitive ». Elle n’a pas été reconduite à la rentrée. Motif : « Pas le profil “Grandes Gueules”. »
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