Le prochain Prix Nobel sera-t-il une intelligence artificielle (IA), une machine qui, après avoir ingurgité toutes les connaissances du monde, aura trouvé un nouveau médicament contre le cancer, ou une théorie physique au-delà de la physique quantique, ou démontré une conjecture de maths non résolue ? Nous n’en sommes pas là, mais l’IA est en train d’envahir à grande vitesse les laboratoires pour améliorer les instruments, accélérer les calculs, aiguiller vers des hypothèses fécondes, etc.
Début octobre, une équipe chinoise a amélioré numériquement de dix fois la résolution d’images de microscopie optique en biologie, en rendant plus nettes des prises de vue. Un exemple de plus de l’effervescence des derniers mois. En mai, une équipe de Facebook a fait démontrer des théorèmes mathématiques par une IA. Le mois suivant, le concurrent Google a présenté un logiciel qui a résolu un tiers de 200 problèmes scientifiques de niveau licence en mathématiques, physique, économie, biologie… Le même mois, une équipe franco-allemande confiait à une IA le soin de contrôler un objet quantique à coups de micro-ondes bien dosées pour préserver le plus longtemps possible ses propriétés (succès théorique qui va être tenté expérimentalement).
Et, cet été, l’IA scientifique la plus connue, AlphaFold, sortie en 2021 par DeepMind, filiale de Google, a refait parler d’elle. L’algorithme, qui prédit la forme tridimensionnelle de protéines à partir de leur formule chimique, a ajouté un million de configurations à la base de données de référence, qui ne contenait « que » 200 000 structures déterminées expérimentalement.
Des quantités toujours plus grandes de données
Chaque jour, la liste d’applications de l’IA s’allonge dans tous les domaines de la science. « Ça part dans tous les sens ! En 2016, une base de données sur les applications de l’IA en physique des particules comptait une dizaine d’articles ; désormais, elle grossit d’une dizaine par mois », constate David Rousseau, du Laboratoire de physique des deux infinis Irène-Joliot-Curie, à Orsay, coauteur, en 2022, de l’ouvrage Artificial Intelligence for High Energy Physics (World Scientific, non traduit). L’IA n’a pas trouvé le boson de Higgs en 2012, mais elle aidera sûrement à faire les découvertes suivantes. Car, poussée par les quantités toujours plus grandes de données à traiter, elle servira partout à trier des collisions, à simuler pour comparer théorie et expérience, et même à contrôler des trajectoires au sein de l’accélérateur de particules.
Il vous reste 84.4% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.