Le travail de nuit, des insomnies régulières ou encore des repas pris trop tardivement dérèglent notre rythme circadien, ce qui nous expose aussi à des problèmes de santé, comme le cancer. Des scientifiques ont identifié les molécules à l’origine de cette association, qui pourraient aussi être une cible thérapeutique.
En France, environ 4,3 millions de personnes travaillent la nuit, c’est-à-dire entre minuit et 5 heures du matin selon le Code du travail. Les métiers d’infirmier, de sage-femme et d’aide-soignant, les métiers de la sécurité et de l’armée sont particulièrement concernés par ces horaires décalés. Dérégler notre rythme circadien en étant actif la nuit au lieu de dormir n’est pas sans conséquence sur la santé. Le Centre international de recherche sur le cancer (IARC) considère qu’une exposition prolongée à des horaires décalés agit comme un facteur probable de cancers (groupe 2A), dont celui du poumon.
Les poumons sont particulièrement sensibles au rythme circadien, modulant leur fonctionnement selon le moment de la journée. Des chercheurs américains de l’université de La Jolla essaient de comprendre comment un jetlag répété peut conduire à l’apparition du cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC), l’un des plus fréquents représentant 85 à 90 % des cancers du poumon diagnostiqués.
Rythme circadien et cancer
Des souris ont été exposées à un jetlag chronique. Pour les rongeurs, cela se traduit par des périodes aléatoires d’exposition à la lumière. Les rongeurs du groupe contrôle ont été exposés à une alternance régulière de 12 heures de lumière et 12 heures d’obscurité. Les expériences montrent que les souris « jetlagguées » expriment de façon importante le gène Kras, un oncogène qui participe à l’apparition du cancer du poumon non à petites cellules. L’expression de ce dernier bondit de 68 % après 25 semaines d’une vie au rythme jour-nuit irrégulier. Dans les tissus pulmonaires de ces rongeurs, les tumeurs sont plus nombreuses. Mais pourquoi le gène Kras est surexprimé chez les souris jetlagguées ?
Des risques de cancer chez les travailleurs de nuit déjà connus
Le dérèglement du rythme circadien induit le déplacement massif de HSF1, pour heat shock factor 1, une protéine très importante pour la régulation des gènes notamment en cas de stress, vers le noyau des cellules. Ainsi, HSF1 active plusieurs gènes, dont Kras, et participe donc à l’apparition des tumeurs. Cette action délétère de HSF1 peut être contrecarrée par son inhibition grâce à des médicaments. HSF1 forme un lien moléculaire entre le dérèglement du rythme circadien et la cancérisation, et apparaît aussi comme une cible thérapeutique potentielle pour prévenir le risque de cancer chez les personnes exposées à des horaires décalés, comme les travailleurs de nuit.
Il a déjà été mis en avant que les femmes travaillant la nuit ont 40 % de risque supplémentaire d’avoir un cancer du sein que celles qui travaillent de jour. Chez les hommes, le risque de cancer de la prostate est aussi plus important chez les travailleurs de nuit, tout comme le risque de cancer colorectal chez les deux sexes.