Ce cas exceptionnel de mutation génétique dote la patiente d’un système immunitaire particulier qui combat les tumeurs. Les chercheurs estiment que comprendre comment il le fait aidera à stimuler le système immunitaire d’autres personnes.
Une équipe internationale de chercheurs dirigée par le Centre national espagnol de recherche sur le cancer (CNIO) a découvert l’histoire exceptionnelle d’une femme de 36 ans, qui a déjà développé douze tumeurs de différents types. Chaque tumeur était située dans une partie différente du corps et au moins cinq d’entre elles étaient malignes. Par exemple, on lui a diagnostiqué un cancer du col de l’utérus à 15 ans et une tumeur des glandes salivaires à 20 ans. « Nous ne comprenons toujours pas comment cette patiente a pu se développer pendant le stade embryonnaire, ni comment elle a pu surmonter toutes ces pathologies », commente Marcos Malumbres, biologiste moléculaire et co-auteur de la nouvelle étude parue dans Science Advances.
Pourquoi une telle sensibilité aux cancers ?
Pour comprendre le cas de cette femme, les chercheurs ont prélevé des échantillons de sang et utilisé le séquençage de l’ADN unicellulaire afin d’examiner les mutations de l’ensemble de son génome. Résultat : elle présentait une mutation dans les deux copies du gène MAD1L1, ce qui est unique. Chez les souris, être porteur d’une telle mutation est mortel.
Il faut savoir que le gène MAD1L1 est impliqué dans la division et la prolifération des cellules, et est également soupçonné de jouer un rôle dans la suppression des tumeurs. Si chaque cellule de notre corps possède normalement 23 paires de chromosomes, le cas de cette femme est différent. En effet, la mutation du gène a engendré un dysfonctionnement de la réplication cellulaire et donc un nombre différent de chromosomes. Cette personne est atteinte d’une maladie rare appelée « aneuploïdie en mosaïque variée », dans laquelle il existe un nombre variable de chromosomes dans différentes cellules, comme retrouvé le plus souvent dans les cellules cancéreuses.
Pourquoi les tumeurs ont-elles disparu ?
Ce qui rend ce cas unique est le rejet des tumeurs à chaque fois. Les chercheurs émettent l’hypothèse que « la production constante de cellules altérées a généré chez la patiente une réponse défensive chronique contre ces cellules, et cela aide les tumeurs à disparaître. Nous pensons que le fait de stimuler la réponse immunitaire d’autres patients les aiderait à stopper le développement tumoral ». La faculté du système immunitaire à déclencher une réponse défensive renforcée représente une piste thérapeutique intéressante dans la lutte contre les cancers.
Par ailleurs, l’analyse unicellulaire utilisée dans cette étude pourrait permettre un diagnostic plus précoce d’un cancer. La technique consiste à analyser les gènes de chacune des cellules sanguines, une à une. Carolina Villarroya-Beltri, chercheuse au CNIO et coauteur de l’étude, explique : « En analysant des milliers de ces cellules séparément, nous pouvons étudier ce qui se passe dans chaque cellule spécifique, et quelles sont les conséquences de ces changements chez le patient. » Cette méthode permettrait de visualiser les premiers stades d’un cancer par identification des cellules à potentiel tumoral, et cela avant l’apparition de symptômes cliniques ou de marqueurs dans les tests analytiques.