« Le pire n’est pas toujours sûr », écrivait Paul Claudel. Concernant l’avenir de notre système de santé, sans excès de pessimisme, le principe de réalité impose de reconnaître que ce magnifique système de soins conçu au milieu du XXe siècle se dégrade à une vitesse sans cesse plus rapide. Force est de constater aussi que les mesures sectorielles à répétition sont de plus en plus coûteuses et de moins en moins efficaces pour ralentir la désintégration du système.
Notre modèle, conçu avant les grandes transitions démographiques, épidémiologiques et technologiques à l’aube de notre siècle, est inadapté à son environnement et craque de toutes parts, malgré la qualité exceptionnelle de ses ressources. Ce grand gâchis ne sera stoppé que par une réforme systémique, qui peut générer un rebond rapide et massif. Elle est prête dans son contenu, elle est possible politiquement et elle est urgente si l’on veut réussir.
Le premier bloc de réforme consiste à mettre en place un service public territorial de santé à partir de 450 bassins de vie sanitaires. Chaque professionnel de santé exercera dans un territoire de santé dont il assurera auprès de la population des missions de soins et de santé publique. Ces missions seront assurées dans le cadre des trois grands principes du service public (continuité, égalité, mutabilité) et délivrées par l’ensemble des acteurs de santé du territoire, publics et privés, selon une approche populationnelle et préventive.
Virage ambulatoire
Ce service public territorial de santé induit une reconstruction de l’hôpital public à partir de son ancrage territorial et de son rôle de fer de lance de l’excellence de la médecine française. Le temps plein hospitalier ne sera plus obligatoire et le statut de professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH) sera rénové. Le virage ambulatoire sera abouti en ville avec des professionnels pleinement garants des missions territoriales de santé et une amplification de l’universitarisation de la médecine ambulatoire et des autres professionnels de santé.
Le deuxième bloc de réforme concerne la gouvernance de la santé. Une loi d’orientation et de programmation sanitaire à cinq ans et une réorganisation institutionnelle de l’Etat sanitaire avec la fusion de multiples agences dans une agence nationale de santé publique renforceront l’Etat dans son rôle de stratège. Par délégation de service public, l’Etat confiera la gouvernance globale des soins à la Sécurité sociale (branche santé).
Cette dernière (renommée « assurance santé obligatoire ») sera restructurée dans sa gouvernance pour faire vivre une démocratie sociale et sanitaire active, intégrant l’ensemble des acteurs de santé, aux échelons national, régional et local. La gouvernance des territoires de santé sera portée par un groupement territorial de santé conçu comme une gouvernance « de l’usager, pour les usagers, par les usagers », destinée à répondre à l’ensemble de leurs besoins de santé.
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