COP26. COP27. Les COP se suivent et se ressemblent. Plus ou moins, avec des promesses, des engagements. Et pourtant, l’impression se fait de plus en plus présente que, sur le plan de la lutte contre le réchauffement climatique, rien n’avance réellement. Simple impression ou fait avéré ? Voici quelques éléments de réponse.
Il y a un an de cela, presque jour pour jour, la 26e Conférence des parties signataires de la Convention-Cadre de l’Organisation des Nations unies sur les changements climatiques, la COP26, prenait fin du côté de Glasgow, en Écosse. De nombreux observateurs, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) en tête, jugeaient alors les engagements pris « loin d’être suffisants » à lutter contre le changement climatique. Une montagne qui accouchait d’une souris… Un an plus tard, alors que s’ouvre tout juste la COP27, du côté de Charm el-Cheikh (Égypte), ces observateurs avaient-ils raison de s’inquiéter ou s’étaient-ils montrés un peu trop pessimistes ?
Rappelons d’abord que pour réussir à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C au-dessus des moyennes préindustrielles, il nous faudrait diminuer nos émissions de gaz à effet de serre (GES) de presque 45 % d’ici 2030. C’est dans moins de 8 ans. Et nous n’en prenons pas le chemin. Le rapport 2022 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions montre que si chacun devait respecter ses engagements actuels — les contributions déterminées au niveau national (CDN), comme les appellent les experts — nous nous placerions sur la voie des +2,4 °C d’ici la fin de notre siècle. La déclaration finale de la COP26 appelait à élever les ambitions de ce point de vue d’ici la fin 2022. Peu de pays l’ont fait. Et les émissions de dioxyde de carbone (CO2) continuent d’augmenter.
Des promesses comme on prend des résolutions au Nouvel An ?
En ce début de COP27, nous rencontrions Françoise Gemenne pour en discuter. Il est politologue et chercheur spécialisé dans les questions du climat. L’un des co-auteurs du sixième rapport du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat aussi. Et l’auteur de L’écologie n’est pas un consensus qui vient de paraître aux éditions Fayard. Il nous le confirmait. « Les promesses faites durant les COP ressemblent un peu à des résolutions du Nouvel An. Des choses sur lesquelles on s’engage dans l’euphorie du moment, mais qu’on oublie dès le lendemain. »
Avec parfois, il faut bien l’admettre, un mauvais coup de pouce du destin. « En France, la rénovation énergétique des logements est unanimement considérée comme la priorité des priorités — pour limiter notre consommation d’énergie —, pourtant, le gouvernement vient de refuser d’y allouer un budget de 12 milliards d’euros qui avait pourtant été décidé dans la loi de finances. Parce qu’on n’a pas l’argent pour le moment. » La crise énergétique ayant pris le dessus sur le reste. Repoussant une fois de plus l’urgence climatique… à plus tard. « Mais à un moment donné, nous allons devoir envisager la question comme nous avons envisagé la crise du Covid. C’est-à-dire qu’il faut le faire… quoiqu’il en coûte. »
Charbon, financements, méthane, forêts
Pour revenir aux promesses concrètes faites lors de la COP26, prenons l’exemple de l’engagement pris à Glasgow de sortir du charbon. Parmi les pays qui ont signé, l’Allemagne. L’Allemagne qui s’est engagée à fermer ses centrales électriques au charbon d’ici 2030. Mais qui, à peine un an plus tard, annonçait son projet de prolonger les activités de certaines d’entre elles jusqu’au printemps 2024. Et qui a commencé à démanteler un parc éolien dans l’ouest du pays laissant un peu plus de place encore à la déjà colossale… mine de lignite Garzweiler. Plus largement, la demande mondiale en charbon a explosé ces derniers mois. Si bien que dès cet été, l’Agence internationale de l’énergie prévoyait que la consommation atteindrait un niveau record cette année !
Sur un autre plan, et sur une échelle de temps un peu différente, la promesse faite en 2009 par les pays historiquement les plus émetteurs de CO2 de financer la lutte contre le changement climatique à hauteur de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Dans le cadre de la convention signée alors, les États-Unis, par exemple, auraient dû verser, il y a deux ans, près de 40 milliards de dollars. Ils n’en ont déboursé… que 8 ! Heureusement, l’Allemagne, la France et le Japon, par exemple, ont participé à l’effort plus que leur part. Même si c’est essentiellement sous forme de prêts.
Le plan de financement publié lors de la COP26, quant à lui, prévoyait d’atteindre finalement l’objectif de 100 milliards de dollars par an… à partir de 2023. Et des discussions seront menées à l’occasion de la COP27 pour élever et préciser cet objectif au-delà de 2025. Affaire à suivre…
Autre exemple de promesses faites lors de la COP26 : réduire les émissions de méthane (CH4), un autre puissant gaz à effet de serre, de 30 % d’ici 2030. Alors que les chiffres préliminaires du programme européen Copernicus montrent une nouvelle hausse de ces émissions entre 2021 et 2022 — il faudra encore en préciser l’origine exacte. Et que le rapport de l’OMM, l’Organisation météorologique mondiale, donne une concentration en méthane dans notre atmosphère de 262 % celle qu’elle était durant l’ère préindustrielle !
Idem du côté de la déforestation qui doit être stoppée d’ici 2030. Le Brésil fait partie des pays signataires de cet engagement. Pourtant au 1er semestre 2022, la déforestation de l’Amazonie a atteint un nouveau rythme record. Même si, plus globalement tout de même, le rythme de la déforestation dans le monde diminue. Lentement… Il restait de 10 millions d’hectares par an entre 2015 et 2020.
Très généralement, un rapport publié fin octobre conclut qu’il n’existe aucun secteur en phase avec les objectifs fixés à ce jour pour 2030 et l’ambition de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des valeurs préindustrielles. Pour éviter la catastrophe climatique, les objectifs devront, dans certains cas, être multipliés par 10. Ou plus…
COP27, « la COP de la mise en œuvre » ?
Alors les COP ne servent-elles à rien d’autre qu’à faire de belles promesses ? Pas tout à fait. Ces rendez-vous apparaissent malgré tout incontournables. Parce que la question du climat est internationale. Elle ne peut pas se régler dans les frontières d’un pays. Comme nous le disait François Gemenne en début de semaine, « il faut dépasser la logique du faire sa part. L’enjeu n’est pas uniquement de voir ce que nous pouvons faire, chacun de notre côté. Mais aussi de voir comment nous pouvons travailler ensemble. Le problème c’est qu’aujourd’hui, les promesses semblent avoir pris la place de l’action. Et nous devons réussir à inverser la dynamique. »
Il y a un an, le président du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) le confirmait, « il faut mettre en place les politiques nécessaires à respecter les engagements pris et commencer à les mettre en œuvre dans les mois qui viennent. » Aujourd’hui, certains surnomment volontiers cette COP27, la « COP de la mise en œuvre ». Le sera-t-elle réellement ?