Des scientifiques mettent en lumière le renforcement, depuis 70 ans, du jet-stream de l’Atlantique Nord, un courant d’altitude qui influence directement la quantité de précipitations hivernales en Europe. Cette évolution serait liée à la hausse des émissions de gaz à effet de serre.
Aujourd’hui, les projections météorologiques dépendent de simulations basées sur des modèles de circulation atmosphérique. En Europe, les conditions hivernales dépendent ainsi fortement d’un puissant courant d’altitude (jet-stream) circulant au-dessus de l’océan Atlantique Nord, d’ouest en est.
Ce courant, qui se situe à une altitude de 10 à 16 kilomètres, est lié à la rotation de la Terre mais également aux différences de températures et de pression qui règnent au sein de l’atmosphère terrestre. Ces courants sont soumis à des variations de vitesse et de latitude. Dans le cas du jet-stream de l’Atlantique Nord, ces variations vont fortement influencer la température et les précipitations sur le sol européen, notamment durant la saison hivernale.
Des modèles climatiques encore incomplets
Les modèles climatiques, qui permettent de faire des prédictions et de mieux comprendre le changement climatique, sont donc fortement basés sur la dynamique de ce courant d’altitude. En général, ces modèles prédisent que durant l’hiver, sous l’influence de l’Arctique et des tropiques, le jet-stream de l’Atlantique Nord se renforce en son centre et s’affaiblit sur les bords, produisant un amincissement du courant. D’importantes variations sont cependant observées entre les différents modèles atmosphériques et les projections s’avèrent souvent imprécises. De même, il apparaît que la réponse à l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère est encore très mal comprise.
Et pourtant, une nouvelle étude montre que les émissions humaines et aussi la fonte accélérée des glaces arctiques impacteraient sévèrement la dynamique du jet-stream de l’Atlantique Nord depuis 70 ans. Un impact qui se répercuterait sur les conditions météorologiques en Europe et ne serait pas correctement pris en compte dans les modèles climatiques.
Un renforcement du jet-stream qui explique l’évolution des précipitations hivernales en Europe
Les scientifiques ont en effet observé qu’entre 1951 et 2020, le jet-stream de l’Atlantique Nord s’est globalement renforcé durant les périodes hivernales. Une évolution qui n’apparaît dans aucun modèle. La dernière décennie est d’ailleurs particulière, avec un jet-stream anormalement fort. En parallèle, nous observons sur la même période une augmentation des précipitations hivernales en Europe du Nord et à l’inverse une diminution pour l’Europe du Sud et la région méditerranéenne. Des conditions météorologiques que les différents modèles semblent avoir des difficultés à expliquer et donc à prédire. Or, ce schéma des précipitations corrèle avec l’évolution du jet-stream au cours des dernières décennies.
Pour les scientifiques, qui ont publié leurs résultats dans la revue Science, environ 60 à 70 % des précipitations totales sur ces régions peuvent ainsi être directement attribués à l’évolution du jet-stream.
Un lien avec l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre
Selon eux, cette évolution serait fortement liée au forçage anthropogénique, autrement dit à l’activité humaine et en particulier à l’émission massive de gaz à effet de serre. Tout n’est cependant pas clair et il reste à déterminer dans quelle mesure ces émissions ont contribué au renforcement du jet-stream de l’Atlantique Nord, sachant que certaines variations ne semblent pas résulter d’un forçage externe mais plutôt de processus atmosphériques encore mal compris.
Ces résultats ont cependant de fortes implications en ce qui concerne les projections climatiques pour l’Atlantique Nord et l’Europe. En particulier, si le jet-stream continue de se renforcer, la différence entre le nord de l’Europe et le sud en matière de précipitations hivernales ne devrait que s’amplifier, le nord subissant des précipitations de plus en plus fortes et le sud connaissant un climat de plus en plus sec, cela bien plus rapidement qu’aucun modèle climatique ne l’avait prévu.