Derrière l’épaisse porte métallique, Jane Twomey, une énergique sexagénaire au regard vif, ose à peine bouger. Des câbles, accrochés à des électrodes, des sondes et autres capsules courent le long de son corps. Toutes les cinq minutes, un scientifique vient la rafraîchir en pulvérisant de l’eau en dix-huit points différents avec un vaporisateur bon marché. Quand elle tente enfin d’ouvrir son livre, les pages dansent dans l’air projeté par le ventilateur installé face à elle. Dans la chambre thermique d’une vingtaine de mètres carrés, la température atteint les 45 °C. « Je ne pensais pas que ce serait aussi contraignant, mais peu importe, je suis contente d’être là. Ce type d’étude est extrêmement important pour notre avenir », glisse l’obstétricienne à la retraite, qui participe à une expérience dans le laboratoire d’Ollie Jay, à Sydney, en Australie. Son équipe est à la pointe de l’étude de l’impact des chaleurs extrêmes sur le corps humain.
Au cours des années 2017-2021, le nombre de morts liées à la chaleur a augmenté de 68 % dans le monde par rapport à la période 2000-2004, particulièrement aux deux extrêmes de la vie, chez les plus de 65 ans et les moins de 1 an. En France, les différents épisodes caniculaires de l’été 2022 ont causé la mort d’au moins 2 800 personnes, ce qui en fait l’été le plus meurtrier depuis la canicule de 2003. Le changement climatique a de « graves répercussions » sur « la santé dans le monde entier », ont alerté, le 26 octobre, une centaine d’experts dans un rapport publié par la revue britannique The Lancet.
Mais quelles sont les conséquences exactes du stress thermique sur les organismes à l’échelle individuelle et collective ? Quelles sont les meilleures stratégies de protection pour y faire face ? Nos corps peuvent-ils s’adapter à des températures supérieures ? Ce sont quelques-unes des problématiques sur lesquelles planchent actuellement des scientifiques dans le monde entier, dont Ollie Jay, directeur du Heat and Health Research Incubator à la Faculté de médecine de l’université de Sydney.
« Nous avons besoin, de toute urgence, de stratégies, fondées sur des données scientifiques, pour protéger les plus fragiles », explique celui qui privilégie systématiquement les solutions les moins chères, accessibles à tous et peu consommatrices en énergie, comme le ventilateur électrique. Dans la chambre thermique de son laboratoire, construite sur mesure en 2021, il étudie notamment l’impact des hautes températures sur les personnes âgées, public parmi les plus vulnérables face aux vagues de chaleur qui se multiplient.
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