Mathieu
Au cours d’un événement intitulé “Voix perdues” à Washington D.C., un cercueil recouvert d’un drapeau américain a été placé devant des bannières avec les visages de personnes décédées après avoir pris du fentanyl. Photo : Eric Lee/Washington Post via Getty Images.
Tandis que l’alarme concernant l’épidémie de fentanyl se renforce aux États-Unis, les Républicains, y compris Donald Trump, proposent des frappes militaires contre les cartels mexicains, l’administration Biden exhorte le Mexique et la Chine à prendre des mesures strictes, et les dirigeants de ces pays font clairement comprendre qu’ils voient cela comme un problème entièrement américain.
L’enjeu : “Le fentanyl est la menace de drogue la plus mortelle que notre pays ait jamais rencontrée”, a témoigné la Directrice par Intérim de l’Agence Anti-drogue américaine, Anne Milgram, lors d’une audience au Sénat en février.
Les opioïdes synthétiques tels que le fentanyl peuvent être 100 fois plus puissants que la morphine et 50 fois plus puissants que l’héroïne. Ils sont également relativement peu coûteux à produire, ce qui les rend idéaux pour les trafiquants mais dangereux pour les utilisateurs, qui ne réalisent souvent pas que la drogue qu’ils prennent a été mélangée avec du fentanyl.
En 2021, la dernière année complète pour laquelle des données sont disponibles, environ 70 000 Américains sont décédés d’une overdose impliquant des opioïdes synthétiques.
Les quantités saisies à la frontière continuent de battre de nouveaux records, mais il semble que la quantité atteignant les États-Unis augmente également. “La seule limite” à la production est la disponibilité des produits chimiques précurseurs, selon Milgram.
Le tableau d’ensemble : Les responsables américains affirment que ces précurseurs proviennent presque entièrement de Chine, avec des quantités bien plus faibles venant d’Inde. Les “éléments criminels” en Chine expédient les produits chimiques au Mexique, où se trouve la majeure partie de la production, selon le chef de la politique de contrôle des drogues de la Maison Blanche, Rahul Gupta.
L’Agence Anti-drogue américaine affirme que la “vaste majorité” du fentanyl qui traverse la frontière est introduit par les puissants cartels de Jalisco et de Sinaloa. Il est caché dans des véhicules, par des individus, ou dans des tunnels transfrontaliers. En plus de blâmer la Chine et le Mexique, les Républicains blâment le président Biden pour n’avoir pas sécurisé la frontière.
Il convient de noter que la plupart des saisies se produisent aux points d’entrée légaux et impliquent souvent des citoyens américains plutôt que des migrants, car ils subissent des contrôles de sécurité moins intenses. Certains Républicains demandent également à Biden de désigner les cartels comme groupes terroristes, afin d’ouvrir des accusations criminelles supplémentaires et, éventuellement, de permettre des actions militaires transfrontalières contre eux.
À mesure que le cycle présidentiel de 2024 se réchauffe, les accusations interpartisanes et internationales autour du fentanyl risquent également de s’intensifier.
Les nouvelles : Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a dénoncé les “menaces à notre souveraineté”, a soutenu qu’un “manque d’embrassades” et la “désintégration des familles” sont à l’origine de l’épidémie d’opioïdes en Amérique, et a affirmé que les Mexicains ne produisent ni ne consomment la drogue, malgré des preuves considérables du contraire.
Mais il a également envoyé des membres de son cabinet de sécurité à Washington cette semaine pour discuter de cette question et a envoyé une lettre au président chinois Xi Jinping la semaine dernière en demandant de l’aide pour “contrôler les expéditions de fentanyl”.
En réponse, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, a nié tout rôle chinois dans le trafic de fentanyl par le Mexique et a déclaré que le problème était “complètement fabriqué aux États-Unis”, ajoutant : “Les États-Unis devraient faire face à leurs propres problèmes et prendre des mesures plus substantielles pour renforcer la surveillance intérieure et réduire la demande.”
Situation actuelle : La coopération américano-mexicaine en matière de trafic de drogue s’est “effondrée” sous López Obrador, tandis que la coopération américano-chinoise est “presque entièrement à l’arrêt”, a déclaré Vanda Felbab-Brown de l’Institution Brookings au podcast Mexico Matters.
La production de fentanyl s’est largement déplacée de la Chine vers le Mexique alors que Pékin durcissait sa politique contre les expéditions de la drogue et de certains produits chimiques précurseurs à partir de 2018. Les relations se sont détériorées depuis, et Pékin a formellement rompu sa coordination sur la lutte contre les drogues après la visite de Nancy Pelosi à Taïwan l’année dernière.
Pékin prétend ne pas pouvoir arrêter l’exportation de précurseurs qui ne sont pas eux-mêmes illégaux, mais Felbab-Brown soutient que le gouvernement pourrait suivre de plus près les expéditions s’il le souhaitait, considérant que certaines entreprises chinoises vendent clairement leurs produits aux cartels.
L’administration Biden affirme ne pas envisager d’actions militaires au Mexique. Des frappes seraient impraticables compte tenu de la dispersion de la production, écrit Kimberly Breier du Centre d’études stratégiques et internationales, mais une coopération de sécurité plus étroite avec le Mexique pourrait rendre plus difficile la tâche des cartels.
En fin de compte, ni le Mexique ni la Chine ne semblent disposés à changer fondamentalement leur approche pour le moment, et les dirigeants des deux pays ont raison de noter que le véritable moteur de la crise est la demande aux États-Unis.
Le Représentant David Trone (D-Md.), co-président d’une commission bipartisane sur le trafic de fentanyl, a déclaré à NPR que plus d’éducation, de traitement et de prévention chez eux sont “la seule chance que nous ayons”.
Les dernières nouvelles : L’administration Biden a fait plusieurs annonces sur le fentanyl vendredi, notamment des sanctions contre deux producteurs chinois de précurseurs de fentanyl, des accusations contre des leaders du cartel de Sinaloa, et des efforts pour coordonner avec le Mexique et le Canada afin de perturber la production de fentanyl.
Note de l’éditeur : Cette histoire a été mise à jour avec les annonces de l’administration Biden vendredi.
