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Compensation carbone : le piège ?



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Alors que la crise climatique s’aggrave, les pays comme les entreprises se précipitent sur la compensation carbone. Planter des arbres à grande échelle leur permet de déduire le CO2 capté par ces forêts de leurs bilans carbones. L’idée est simple : une tonne de carbone émise quelque part serait annulée par une tonne absorbée ailleurs. Vrai ou fausse bonne idée ? Planter des arbres sera-t-il suffisant si nous ne réduisons pas nos émissions par ailleurs ? “Élément Terre” a enquêté.

Le Label Bas Carbone pour compenser ses émissions dans les forêts françaises

Dans le Périgord, Jérome Chanel du syndicat forestier Alliance est convaincu des services que peut rendre la forêt aux hommes : “Les forêts sont des usines extraordinaires qui transforment le dioxyde de carbone en bois.” Ici, il gère des reboisements un peu particuliers, financés par des entreprises et des collectivités. Grâce au Label Bas Carbone qui donne un cadre à ces pratiques en France, les entreprises peuvent compenser leurs émissions en subventionnant les forêts françaises. “On a d’abord étudié la qualité du sol en fonction du climat que l’on rencontre sur ce territoire, et on a fait le choix d’un certain nombre d’essences”, détaille Jérôme. La parcelle dont il s’occupe ce jour-là fait 8 hectares et permettra de compenser environ 1 300 tonnes de CO2 émis, ce qui correspond environ à 9 millions de kilomètres de voiture.  

Compensation carbone, l’arbre qui cache la forêt ?

Les arbres seraient donc la solution miracle à notre problème climatique ? Premier puits de carbone terrestre, en France, ils séquestrent 20 % de nos émissions. Un bon début peut-être, mais pas suffisant. Actuellement, nous rejetons tellement de gaz à effet de serre que la végétation ne peut tout simplement pas suivre. Si la planète était entièrement recouverte d’arbres, les forêts n’absorberaient que 40 à 100 gigatonnes de CO2, alors que nous émettons 10 gigatonnes en une seule année !

Compenser ne veut pas dire réduire

Pour certaines ONG de défense de l’environnement, la compensation carbone, c’est tout simplement du greenwashing. Myrtho Tilianaki, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire, a étudié les stratégies de neutralité carbone de trois grandes entreprises : Nespresso, Total Énergies et Air France. Et force est de constater qu’elles n’ont quasiment pas mis en place de mesures significatives de réduction d’émissions. 

Elles misent tout sur la compensation et donc la compensation carbone devient un véritable levier d’inaction climatique.

Plus qu’inefficace, la compensation carbone, surtout quand elle est faite à l’autre bout du monde, peut aussi être dangereuse. “On a eu des cas par le passé de projets de compensation carbone qui ont conduit à des intimidations, des expulsions, des phénomènes d’accaparement de terre”, précise Myrtho Tilianaki. 

Avec Cœur de Forêt, la qualité plutôt que la quantité

Pour Antony Cheval de l’association Cœur de Forêt, le mieux à faire pour la planète, c’est d’entretenir les forêts. L’objectif de l’action sur le territoire français, c’est d’accompagner les propriétaires dans la compréhension de leur parcelle forestière et leur apporter tous les éléments de connaissance pour qu’ils puissent gérer durablement leurs forêts. Réfléchir aux meilleures essences adaptées aux territoires, choisir des espèces variées : autant de techniques qui permettent d’entretenir une forêt pour qu’elle résiste aux sécheresses et aux maladies qui se multiplient avec le dérèglement climatique. Antony Cheval en est convaincu : c’est la diversité qui va vraiment nous sauver et qui va sauver les forêts face au réchauffement climatique. 

Le sol, la moitié cachée de l’écosystème

Les arbres ont bel et bien un rôle à jouer dans la réduction du CO2 sur notre planète, mais les scientifiques de l’Inrae s’intéressent aussi à leur petit frère : le sol. Laurent Augusto, qui dirige un projet de recherche dans la forêt expérimentale de Cestas en Gironde, l’affirme : il y a autant de CO2 captés dans les arbres que dans les sols qui les soutiennent. Le processus est simple, au cours de leur croissance, les arbres vont faire tomber des feuilles mortes. Celles-ci contiennent du carbone qui va alimenter le sol. Le CO2 s’y retrouve alors piégé. 

L’objectif pour Laurent et son équipe est de comprendre quelles espèces facilitent le stockage de carbone dans le sol. “On a déjà des résultats préliminaires intéressants”, explique-t-il. “Les résineux, comme le sapin, l’épicéa ou le pin, stockent un peu plus de carbone dans les sols que les feuillus. Du côté des feuillus, c’est du carbone qui va rester dans les sols plus longtemps donc c’est intéressant aussi”. 

Laurent en est persuadé : si ces recherches pourraient permettre de stocker une grande partie du carbone généré par l’Homme dans les sols, il faut changer nos modes de vie pour réduire nos émissions. “Le CO2 qui n’est pas émis n’aura pas besoin d’être piégé”, conclut-il.

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