L’opération devrait donner naissance à un géant européen de l’Internet haut débit depuis l’espace. L’opérateur français de satellites Eutelsat a annoncé, mardi 26 juillet, avoir signé « un protocole d’accord » pour fusionner avec le britannique OneWeb et sa constellation, une opération destinée à créer un rival, dans la course à l’Internet depuis l’espace, à Starlink de l’américain SpaceX.
Après avoir annoncé lundi être en « discussions (…) en vue d’un éventuel rapprochement » avec OneWeb, dont il est déjà actionnaire à hauteur de 23 %, Eutelsat a confirmé mardi que les actionnaires des deux entreprises détiendront chacun 50 % des actions du futur groupe combiné.
La transaction, qui se fera par échange d’actions, valorise OneWeb à 3,4 milliards de dollars, impliquant une valeur de 12 euros par action Eutelsat, a précisé l’entreprise dans un communiqué. La réalisation de l’opération est prévue d’ici « à la fin du premier semestre 2023 », a-t-elle ajouté.
« L’Etat veillera à ce que les intérêts français soient préservés »
Le gouvernement français a annoncé dans la foulée qu’il comptait surveiller l’accord, afin de s’assurer que les intérêts français sont préservés, selon une source au ministère de l’économie.
Cette opération, qui pénalisait le titre en Bourse ce mardi, s’inscrit dans le champ du texte permettant à Bercy de contrôler certains investissements étrangers en France, « parce qu’il y aura des actionnaires étrangers qui entreront dans le capital d’Eutelsat », a-t-on expliqué.
« Donc, l’Etat veillera dans le cadre de ce processus à ce que les intérêts francais soient bien préservés, avec cet outil. » « Les droits anglais ne vont pas évoluer, ils vont rester dans OneWeb. Il n’y a pas de droit spécial anglais sur Eutelsat, ils sont uniquement sur la filiale OneWeb, c’est un point très important », a-t-on ajouté de même source.
Spécialiste de l’orbite géostationnaire, avec sa flotte de trente-cinq satellites positionnés à 36 000 kilomètres de la Terre pour des services de diffusion par satellite et d’Internet à haut débit, Eutelsat avait vu son titre plonger, lundi, de 17,8 %, cotant 8,57 euros à la Bourse de Paris après l’annonce du rapprochement.
Faire émerger un nouveau géant
La société britannique OneWeb a, elle, déjà déployé 428 des 648 satellites de sa constellation en orbite basse, à quelques centaines de kilomètres d’altitude afin de fournir de l’Internet à haut débit et à faible latence ou délai de transmission des données, essentiel pour répondre à des besoins en forte croissance.
Outre le conglomérat indien Bharti (30 %) et Eutelsat (22,9 %), le capital de OneWeb comprend le gouvernement britannique (17,6 %), le japonais Softbank (17,6 %) et le conglomérat coréen Hanwa (8,8 %).
Eutelsat est lui détenu à 20 % par Bpifrance, la banque publique d’investissement de l’Etat français, ainsi que par le Fonds stratégique de participations (FSP) détenu par sept assureurs français, le reste du capital étant flottant.
Ce projet de fusion vise à positionner le nouvel ensemble dans le secteur de l’Internet spatial à haut débit, notamment pour desservir les régions isolées dépourvues de fibre optique. Un marché estimé à 16 milliards de dollars à horizon de 2030, selon Eutelsat. Situés à quelques centaines de kilomètres d’altitude, ces satellites, plus petits que les traditionnels satellites de télécommunications, permettent des communications à faible latence.
Elon Musk a une longueur d’avance
Dans cette course, l’américain SpaceX du milliardaire Elon Musk a pris une longueur d’avance. Plus de la moitié des 4 408 satellites de sa constellation Starlink a déjà été déployée – il en souhaite 42 000 à terme. Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, compte de son côté mettre en orbite plus de 3 200 satellites pour sa constellation Kuiper.
L’Union européenne souhaite elle aussi déployer sa propre constellation en orbite basse d’environ 250 satellites à partir de 2024, au nom de sa souveraineté. « Nous ne savons pas à quoi ressemblera la future constellation européenne, mais nous sommes impatients d’entamer le dialogue avec la Commission », a déclaré mardi Eva Berneke, directrice générale d’Eutelsat lors d’une conférence téléphonique.
Quant à la Chine, elle dispose elle aussi de son propre projet de constellation, Guowang, de 13 000 satellites.
Le déploiement de la constellation OneWeb a été mis à l’arrêt en février par l’interruption des vols de la fusée Soyouz, décrétée par la Russie en réaction aux sanctions occidentales imposées après l’invasion de l’Ukraine.
« Cela aurait pu nous retarder pendant longtemps (…) mais nous avons reçu un soutien formidable des Etats-Unis et du gouvernement indien », a affirmé mardi le président exécutif de OneWeb, Sunil Bharti Mittal, précisant qu’un contrat avait été conclu avec SpaceX pour permettre à la société de reprendre les lancements de satellites et que le gouvernement indien avait mis à disposition deux fusées GLSV pour achever le déploiement de la constellation « très certainement d’ici à mars 2023 ».