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Comme on peut s’en rendre compte à la lecture du précédent article de Futura ci-dessous, cela fait un siècle que la noosphère a découvert l’existence des rayons cosmiques. Cela a permis de faire progresser notre connaissance des particules élémentaires et au passage de démontrer l’existence de l’antimatière avant que les particules exotiques, et à l’existence fugace mise en évidence dans les rayons cosmiques, ne soient fabriquées par des collisions de particules à des énergies de plus en plus hautes.
L’étude des rayons cosmiques se poursuit, déjà parce que certaines des particules présentes ont été accélérées à des énergies impossibles à atteindre même avec de nos jours le LHC, mais aussi parce qu’elles nous renseignent sur des phénomènes astrophysiques. L’étude des neutrinos cosmiques, par exemple, peut nous aider à comprendre les noyaux actifs de galaxies, alimentés en énergie par des trous noirs supermassifs en rotation accrétant de la matière.
Mais il y a un hic, comme l’expliquait déjà Futura. Les rayons cosmiques sont très majoritairement des particules chargées, ce qui veut dire que dans les champs magnétiques turbulents à l’intérieur des galaxies elles sont déviées par ces champs et s’y déplacent en effectuant un mouvement brownien et donc stochastique. En clair, la direction dont semble provenir sur la voûte céleste un proton très énergétique, créant une gerbe de particules secondaires en entrant en collision avec un noyau de la haute atmosphère, peut ne rien avoir à faire avec son lieu d’origine sur la même voûte céleste.
Heureusement, les astrophysiciens sont malins et ils se sont dotés d’un outil et d’une stratégie leur permettant de remonter à l’origine de certains de ces protons à haute énergie dans la Voie lactée. Ils viennent de publier à ce sujet un article dont on peut trouver une version en accès libre sur arXiv.
Les PeVatrons à l’origine de certains rayons cosmiques seraient bien des supernovae. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa’s Goddard Space Flight Center
Des protons plus de 100 fois plus énergétiques qu’au LHC
Cet outil, c’est le télescope gamma dans l’espace de la Nasa baptisé Fermi, en l’honneur du célèbre physicien italien qui a proposé le premier des mécanismes d’accélération des rayons cosmiques, mécanismes que l’on trouve associés aux ondes de choc des explosions de supernovae dans le milieu interstellaire.
Il y a quelques années, comme l’expliquait en détail l’article de Futura ci-dessous, les observations de Fermi concernant des restes de supernovae avaient déjà permis de conforter l’existence des mécanismes avancés pour les protons cosmiques, qui sont d’ailleurs la composante majeure des rayons cosmiques, même si on peut trouver des positrons et des noyaux.
Aujourd’hui, les astrophysiciens expliquent donc qu’ils ont mis à contribution de façon similaire environ 12 ans de mesures du flux gamma par Fermi concernant un reste de supernova et que ces mesures confirmaient qu’au moins ce reste-là était bien un accélérateur de protons permettant de leur donner des énergies au moins égales au PeV, c’est-à-dire au moins 100 fois l’énergie d’un proton accéléré dans le LHC.
Ce reste de supernova, nommé G106.3+2.7, est donc un authentique PeVatrons et il se trouve dans la constellation de Céphée, une constellation circumpolaire de l’hémisphère nord, à environ 2.600 années-lumière du Système solaire. Il contient en son cœur un pulsar dénommé J2229+6114 dont on a toutes les raisons de penser que comme tous les autres pulsars, il est une étoile à neutrons laissée par l’explosion d’une étoile à l’origine du reste de supernova G106.3+2.7 .
Les chercheurs ont établi le spectre en énergie des photons gamma entre 100 GeV et 100 TeV en étudiant les données collectées par Fermi. Ce spectre n’est pas compatible avec celui de photons gamma qui seraient majoritairement produits par des électrons de hautes énergies entrant en collision avec des photons du rayonnement fossile en leur cédant une partie de son énergie selon un effet Compton inverse (on sait que les pulsars sont des accélérateurs d’électrons et de positrons). S’il s’agissait d’électrons, cela entrerait en contradiction avec la forme du spectre dans le domaine radio et X associé à G106.3+2.7.
Comme il y a quelques années, on aboutit donc à la conclusion que les photons gamma observés par Fermi proviennent de la désintégration de mésons π neutres, mésons π produits par des collisions faisant intervenir des protons à des énergies pouvant atteindre et dépasser le PeV.
Origine des rayons cosmiques : Fermi confirme la piste des supernovae
Article de Laurrent Sacco, publié le 18/02/2013
On le suppose depuis des décennies : au moins une partie des rayons cosmiques provient de mécanismes d’accélération des protons dans les restes de supernovae. Après des années d’observations dans le domaine des rayons gamma avec le télescope Fermi, les astrophysiciens viennent de confirmer l’existence de protons accélérés à de grandes vitesses dans deux restes de supernovae, IC 443 et W44.
En 1912, le physicien autrichien Victor Franz Hess découvre l’existence des rayons cosmiques. À l’aide d’expériences réalisées en ballon, il constate que le taux d’ions présents dans l’atmosphère augmente avec l’altitude alors que l’on imaginait jusque-là l’inverse, puisque c’est la croûte terrestre qui abrite les éléments radioactifs. Ces mesures en altitude démontrent donc qu’il existe un rayonnement ionisant en provenance de l’espace et frappant les hautes couches de l’atmosphère.
Dans les décennies qui suivirent, l’étude des rayons cosmiques permit de découvrir de nouvelles particules élémentaires, comme les pions et les muons, avant que l’on ne construise après la seconde guerre mondiale des accélérateurs suffisamment puissants pour les produire directement en laboratoire.
Il doit exister des accélérateurs à particules dans l’espace
La question de l’origine de ces rayons s’est bien sûr posée et, dès 1949, le grand physicien Enrico Fermi a proposé des mécanismes d’accélération des particules chargées dans des nuages interstellaires magnétisés. Par la suite, on a généralement admis que les rayons cosmiques doivent probablement leur existence aux explosions de supernovae et que les mécanismes de Fermi, rassemblés sous le nom d’accélération de Fermi, doivent être à l’œuvre dans les restes de supernovae. En gros, des passages successifs des particules chargées à travers le front de l’onde de choc causée par l’explosion d’une supernova, en raison de mouvements browniens, peuvent parfois conduire à une nette accélération pour certaines d’entre elles.
Malheureusement, ces hypothèses sont difficiles à tester. Les rayons cosmiques sont constitués à 90 % de protons, le reste étant des électrons et des noyaux. Ils subissent l’effet des champs magnétiques parfois turbulents lors de leurs déplacements dans la Voie lactée, ce qui a pour effet de rendre leurs trajectoires très complexes, un peu comme celle, là aussi, d’une particule suivant un mouvement brownien. Il est donc difficile d’associer une source précise sur la voûte céleste à des gerbes de particules secondaires, produites par des rayons cosmiques heurtant des noyaux de la haute atmosphère.
Deux restes de supernovae sous l’œil gamma de Fermi
Un article récemment publié sur arxiv par les membres de la collaboration Fermi, utilisant le télescope gamma portant le nom du grand physicien italien, vient pourtant d’apporter une contribution significative à l’élucidation de l’énigme de l’origine des rayons cosmiques. Pour cela, les chercheurs ont mis à profit le fait que les rayons gamma ne sont pas déviés par les champs magnétiques galactiques. En conséquence de quoi ils ont observé, sur une période de 4 ans, deux restes de supernovae, IC 443 et W44.
Cette vidéo explique pourquoi les observations de Fermi aident à percer le mystère de l’origine des rayons cosmiques. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n’est pas déjà le cas. En passant simplement la souris sur le rectangle, vous devriez voir l’expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK ». © Nasa Explorer
Les ondes de choc associées aux explosions des deux supernovae ayant produit ces restes se propagent dans des nuages moléculaires froids. Il en résulte que des rayons gamma sont émis par ces nuages, visiblement bombardés par des particules énergétiques en provenance des restes de supernovae. Mais, problème, a priori, électrons et protons peuvent tous deux être responsables de ces émissions gamma. Si elles sont dues à des électrons accélérés alors il ne faut pas chercher dans les restes de supernova les accélérateurs naturels de protons, lesquels constituent 90 % des rayons cosmique comme on l’a dit.
Le test de la désintégration gamma des pions
Il y a toutefois un moyen de départager les hypothèses. Si les protons sont bien à l’origine des émissions gamma, une partie de leur spectre doit être légèrement différente de celui que causeraient des électrons. La raison en est que les protons suffisamment énergétiques, lors de chocs avec des noyaux, produisent des pions neutres qui se désintègrent en photons gamma, alors que des électrons très rapides émettent directement ces photons. Les mesures précises réalisées avec Fermi ont fini par montrer que la trace des pions produisant les émissions gamma était bel et bien là. Les protons accélérés à de très grandes vitesses dans les restes de supernovae sont bien responsables du rayonnement gamma observée.
La thèse expliquant l’origine d’au moins une partie non négligeable des rayons cosmiques par des explosions de supernovae en sort donc très renforcée. L’énigme n’est malgré tout pas complètement résolue car il existe des rayons cosmiques à très hautes énergies qui ne peuvent pas s’expliquer en invoquant des restes de supernovae. On a tenté de faire intervenir des trous noirs supermassifs au cœur des galaxies, mais cette explication reste à ce jour problématique.
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