Des sourcils froncés, des nattes et, bien sûr, un ciré jaune. Le vêtement des marins est inséparable de l’image de Greta Thunberg dans les médias. Sa rémanence en a fait un totem de la « génération climat » d’où se dégagent quantité de messages qui contribuent à définir l’identité politique qu’incarne la jeune activiste suédoise.
La présence du ciré jaune au sein de la garde-robe thunbergienne procède indiscutablement d’une forme de spontanéité. La jeunesse d’Europe du Nord, qui est aussi la plus engagée dans les combats écologiques, porte couramment le ciré jaune sans que celui-ci ait jusqu’alors été synonyme d’un militantisme particulier. Ce vêtement qui fleure bon la randonnée et se destine par définition aux activités de plein air – de préférence sous les averses – suggère l’existence d’un lien fort, d’une sensibilité avérée à ce qui touche la nature et sa préservation. Difficile de ne pas subodorer derrière l’habit de lumière de Greta Thunberg, qui est donc aussi un habit de pluie, une allusion subliminale aux fortes précipitations, stigmates parmi d’autres du dérèglement climatique.
Tout aussi implicitement, le ciré jaune laisse entrevoir dans son sillage une forme de dramatisation manifeste. Autrefois présent dans la comédie comme un élément de panoplie synonyme d’insouciance – Chantons sous la pluie (1952), de Stanley Donen et Gene Kelly, ou Les Parapluies de Cherbourg (1964), de Jacques Demy – cet imperméable est redevenu perméable à la gravité du propos qu’il endosse. Sa raison d’être originelle, faut-il le rappeler, est de protéger le marin contre les éléments, mais aussi, et c’est pourquoi il est jaune vif, de repérer plus facilement dans les flots un homme tombé à la mer.
Signal de transgression
Plus largement, le ciré de Greta Thunberg nous renvoie à un coloris qui trouve un écho particulier dans l’époque. Sur fond d’amertume et de désenchantement, le jaune exprime la mise en alerte collective, la contestation, voire la colère, qui s’extériorise hors des sentiers battus institutionnels. Couleur non identifiée politiquement et plutôt mal aimée (elle a été longtemps associée à la tricherie ou à la tromperie) au point que peu de gens en font leur nuance préférée, le jaune s’impose comme un signal de transgression antisystème. A l’image des gilets de la contestation née en France en octobre 2018.
Le jaune sied donc à merveille au ciré de Greta Thunberg, adolescente pro-climat surgie de nulle part pour interpeller sans ménagement le monde des adultes. Pour sa génération, l’heure n’est plus au vert tendre des écolos bien sages ou au bleu de la récupération commerciale de l’écologie, mais au jaune rageur, expression d’un sentiment d’urgence voire de toute-puissance. La conviction chevillée au ciré d’avoir raison contre les gouvernants et les baby-boomeurs.
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