Les énergies fossiles – pétrole, gaz et charbon – représentent toujours 80 % de l’énergie consommée dans le monde, une proportion qui n’a quasiment pas changé depuis trente ans. Elles sont aussi les principales responsables du changement climatique. Comment réduire notre dépendance à ces sources d’énergie ? Par quoi faut-il commencer ? Que faut-il éviter à tout prix ? Quelles technologies peut-on utiliser en priorité ? Ces questions sont au cœur du travail mené dans le dernier volet du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), paru en avril. Nabil Wakim, journaliste au Monde, échange avec l’économiste Céline Guivarch, directrice de recherches au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement et coautrice de ce rapport de près de 3 000 pages, qui propose des centaines de trajectoires possibles pour décarboner l’économie.
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Vous avez participé à la coordination et aux travaux du dernier rapport du GIEC, le groupe d’experts de l’ONU pour le climat, paru au mois d’avril 2022. Il est consacré à l’atténuation, autrement dit comment baisser les émissions de gaz à effet de serre et conserver une planète vivable pour les humains. Ce qu’explique ce gigantesque travail de collecte et d’analyse des études scientifiques au niveau mondial, c’est que nous disposons déjà des moyens pour faire baisser de moitié ces émissions entre maintenant et 2030. Quelle est la première des priorités pour rester sur la trajectoire fixée par l’accord de Paris sur le climat ?
La première chose à faire, c’est d’arrêter de faire ce qui va dans la mauvaise direction ! C’est-à-dire tout ce qui continue à nous enfermer dans une dépendance vis-à-vis des énergies fossiles, vis-à-vis d’activités qui sont néfastes. Par exemple – on le voit bien dans le rapport du GIEC –, ce que les connaissances scientifiques nous montrent, c’est que les infrastructures existantes qui nécessitent des énergies fossiles pour fonctionner ne doivent pas aller à la fin de leur durée de vie prévue – les centrales à charbon, les voitures thermiques, les bateaux du commerce international, etc. Si on les utilise jusqu’à la fin de leur durée de vie technique, on sature déjà en termes d’émissions le budget qui nous permet de rester sous 1,5 °C d’augmentation de la température du globe, ce qui est l’objectif qu’incite à tenir l’accord de Paris.
Ce que cela veut dire, c’est qu’il faut arrêter un certain nombre d’installations bien avant la fin de la durée de vie qui est prévue par les Etats, les investisseurs et les entreprises. Il faut donc avancer la « date de péremption » de certaines centrales à charbon, de certains sites pétroliers ou gaziers ?
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