C’est une page historique qui se tourne pour Vodafone en Hongrie. Vingt-trois ans après être arrivé dans le pays, le géant britannique des télécoms va vendre sa filiale sur place à deux acteurs locaux pour 1,8 milliard d’euros, a annoncé le groupe lundi. Un accord a été trouvé avec le groupe informatique 4iG, qui détiendra 51 % de la filiale, et l’Etat hongrois via le holding public Corvinus Zrt (49 %). La vente valorise l’activité environ 9,1 fois l’Ebita après loyer ajusté.
L’opération permet à 4iG de débarquer sur le mobile, mais surtout de devenir le deuxième acteur du marché derrière l’opérateur historique Magyar Telecom (filiale de Deutsche Telekom), avec 5 millions de clients. Il s’agit de l’opération la plus importante en Hongrie dans les « telcos » depuis l’ouverture à la concurrence du secteur dans les années 1990.
Un pays « périphérique » à l’échelle de Vodafone
Vodafone, de son côté, espère ainsi réduire sa dette (41,5 milliards d’euros) et se recentrer sur les pays plus stratégiques d’Europe occidentale (notamment l’Allemagne, son plus gros marché) et l’Afrique. Le groupe est sous pression depuis que le fonds activiste Cevian est entré au capital en début d’année, et le pousse à réorganiser son portefeuille d’actifs, alors que Vodafone est un géant mondial présent dans 21 pays.
Des discussions ont certes eu lieu ces derniers mois avec Iliad (la maison mère de Free) concernant la vente de ses activités en Italie. Mais Vodafone a finalement fait marche arrière, jugeant le prix proposé par Xavier Niel (plus de 11 milliards d’euros) trop bas. En Espagne, un rapprochement entre Vodafone et MásMóvil a aussi été longtemps évoqué, mais l’opérateur vient de se faire doubler par Orange, qui va fusionner avec l’Espagnol.
En Hongrie, en revanche, les choses sont allées vite. D’abord parce que le gouvernement hongrois cherchait à créer un champion national des télécoms et du numérique. Et la Hongrie restait somme toute un pays relativement périphérique pour Vodafone, même s’il était le numéro deux local. Sur l’année fiscale 2021-2022, Vodafone a réalisé environ 683 millions d’euros de chiffre d’affaires dans le pays, soit à peine 1,5 % du total, et « seulement » 228 millions d’euros d’Ebitda. L’opérateur sert sur place 3 millions de clients mobiles (sur un parc mondial de 300 millions) et 800.000 abonnés fixes.
Bascule vers la fibre
Par ailleurs, « Vodafone avait du mal à tenir tête à l’opérateur historique qui a un bon réseau et qui ‘fait’ le marché », explique un analyste télécoms. En 2018, le groupe s’était pourtant renforcé dans le pays en rachetant le câble hongrois de Liberty Global, dans le cadre d’une opération plus large de 18,4 milliards d’euros comprenant aussi UnityMedia (le deuxième câblo-opérateur en Allemagne) et les autres actifs de Liberty Global en Roumanie et en République tchèque.
Ce rachat lui avait permis de proposer des services fixes et jouer ainsi la carte de la convergence fixe et mobile en Hongrie. Mais, depuis, l’opérateur était au milieu du gué. Vodafone a certes été le premier opérateur à proposer la 5G en Hongrie, mais la transition vers la fibre n’avait pas encore été enclenchée. Or une telle modernisation aurait nécessité des investissements longs et coûteux.
Vodafone et les deux acheteurs espèrent boucler l’opération d’ici la fin 2022, après le feu vert des autorités réglementaires. Mais la vente pose d’ores et déjà la question de la présence du groupe dans les autres pays d’Europe centrale, comme la République tchèque, l’Albanie ou encore la Roumanie. Les perspectives de croissance dans ce pays sont d’ailleurs limitées pour Vodafone depuis qu’Orange a débarqué sur le fixe en rachetant fin 2020 la moitié du premier opérateur roumain.