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à Jacareacanga, la fièvre de l’or empoisonne les rivières


Enfin, la forêt ! Passé le port de Miritituba, la Transamazonienne change. Fini les pâturages. Sur des centaines de kilomètres, ce n’est plus qu’une piste de terre brune, coupant à travers la jungle. Les arbres, grandioses, imposants gratte-ciel de lianes et de feuillage, forment de part et d’autre un infranchissable mur végétal. Après un périple d’une grosse semaine à travers les zones d’élevage bovin, un frisson de plaisir nous parcourt : nous voici enfin au cœur de la jungle.

Le 4 × 4 progresse tant bien que mal sur la route cahoteuse, parsemée de cavités piégeuses, avec des montées et des descentes à n’en plus finir, façon « montagnes russe ». « Il a plu cette nuit », remarque notre chauffeur, Gabriel. L’avantage ? Beaucoup moins de poussière. L’inconvénient ? Le risque de s’embourber. Un péril redoutable entre tous : en six ou sept heures, nous ne croiserons qu’une demi-douzaine de voitures. Dans un buisson se dresse un panneau rouillé : « Ne pas dépasser ». Ironie de voyage…

Le port de Jacareacanga, dans l’Etat du Para, au Brésil, le 26 mai 2022. Toute l’économie de la ville tourne autour de l’extraction illégale de l’or.

En réalité, nous ne sommes pas seuls du tout. De temps à autre, il faut ralentir, laisser passer un petit félin noir ou une famille de singes, observer au loin l’envol d’un couple d’aras bleus, ou la fuite d’un serpent corail… Dans cette région, la Transamazonienne traverse un parc national délimité en 1974, lors de la construction de la route. L’endroit est réputé pour ses centaines d’espèces d’oiseaux et ses milliers d’insectes aux proportions invraisemblables. Certains papillons et scarabées dépassent les 30 centimètres.

Ruban scintillant

Au détour d’un virage, on distingue parfois, côté nord, un ruban azuré scintillant sous le soleil. Le Tapajos est souvent considéré comme le plus beau et le plus aimable des rios d’Amazonie. Un bijou turquoise, long de 850 kilomètres, pour un bassin vaste comme l’Espagne et un débit deux fois supérieur à tous les fleuves français réunis. Le refuge, surtout, d’une biodiversité sans pareille. Les pêcheurs y croisent régulièrement la route de gros lamantins (alias le « poisson-bœuf ») et de dauphins roses au bec pointu.

Mais cette pureté n’est qu’apparence. A mesure que nous franchissons un à un les nombreux igarapés, ces petits affluents du puissant Tapajos, le sourire laisse place à l’inquiétude. Sur les premiers kilomètres, on découvre ces cours d’eau limpides, cristallins. Puis, peu à peu, les mêmes finissent par devenir blanchâtres, gras, laiteux. « Sujissimo ! » (« hypersale »), s’indigne Gabriel. Les igarapés des environs sont pollués, toxiques, empoisonnés, comme les veines d’un corps malade, agonisant. Le signe que nous venons de pénétrer en territoire hostile : celui des orpailleurs illégaux, les garimpeiros.

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Written by Stephanie

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