Le traité international destiné à préserver la haute mer vient d’essuyer un sérieux coup de tabac : les diplomates ont échoué à conclure un accord dans le cadre des Nations unies. Les négociations, qui s’étaient poursuivies dans la soirée du vendredi 26 août, à New York, sont « suspendues ». Elles pourraient reprendre à une date encore indéterminée. « Les progrès apparus durant les négociations officieuses et dans les petits groupes de travail » montrent « à quel point nous sommes proches de la ligne d’arrivée », avait pourtant déclaré Rena Lee, la présidente de la Conférence intergouvernementale chargée d’élaborer le texte du traité, au matin du dernier jour. Une nouvelle version de l’avant-projet d’accord était alors distribuée.
La tristesse et la déception ont donc marqué la fin des travaux, en particulier de la part des petits pays du Pacifique, dont le sort est directement lié à l’état de l’océan. Ceux-ci espèrent, avec d’autres groupes de pays, une reprise rapide des travaux. Car les deux semaines de discussions de cette cinquième – et en principe dernière – session de travail ont permis davantage d’avancées que les dix années précédentes, ont souligné plusieurs délégations. Celles-ci semblent notamment avoir progressé sur le chapitre des études d’impact environnementales nécessaires à la conduite de chantiers en haute mer. Mais cela n’a pas suffi.
De fait, l’exercice est particulièrement sensible. Car le futur traité, annoncé pour 2022, est censé établir un nouvel instrument juridiquement contraignant qui doit permettre de protéger la biodiversité marine en dehors des zones placées sous la juridiction des Etats – au-delà des 200 milles marins (370 kilomètres) –, soit 65 % de la superficie de l’océan mondial. Mais il doit aussi fixer des règles pour l’utilisation des trésors qu’il recèle. Les Etats qui en ont les capacités pourraient exploiter les ressources génétiques qu’ils espèrent y trouver, à condition de partager les bénéfices tirés de ce bien commun avec les pays en développement. C’est l’un des points qui a fait achopper les discussions. Les divergences exprimées par des pays comme la Suisse, le Japon ou les Etats-Unis n’ont pas permis d’aboutir à un compromis sur les modalités d’une compensation financière.
Résistance de Pékin et Moscou
Beaucoup reste à définir sur ce chapitre des ressources génétiques, pas seulement sur le volet financier, estime Bleuenn Guilloux. Chercheuse associée à l’université de Bretagne-Occidentale et, bientôt, à celle de La Rochelle, elle résume ces deux semaines pleines de revirements comme « des montagnes russes émotionnelles ». « La définition de termes comme “biotechnologies” fait encore débat. La question des délais n’est pas réglée : à partir de quand les Etats et les acteurs publics et privés sous leur juridiction seront-ils tenus de déclarer l’accès ou la collecte d’échantillons ? », explique cette experte du droit de la mer. Autre sujet de dissensus : la question de la propriété intellectuelle et des savoirs traditionnels de populations à propos de ces ressources génétiques doit-elle se poser dans ce cadre ou bien dans d’autres instances ?
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