On peut dire qu’il s’est fait attendre… mais la publication de ce fossile si important pour l’histoire de l’humanité est une excellente nouvelle. Le « fémur de Toumaï », comme on s’est plu à l’appeler parce que trouvé en même temps que le crâne de ce probable ancêtre de l’humanité, en juillet 2001, appartient vraisemblablement à la même espèce. Et la description de ce spécimen, dans la revue Nature le 25 août, nous donne un aperçu presque miraculeux sur la manière de se déplacer de ce primate qui vivait il y a environ sept millions d’années.
Lors de sa découverte au Tchad, une partie de la communauté scientifique a considéré Sahelanthropus tchadensis, son nom scientifique, comme le fossile le plus proche de l’ancêtre commun que nous avons avec nos plus proches cousins, les chimpanzés et les bonobos. Publiée en 2002, l’étude du crâne, et plus particulièrement la position du trou où s’encastrait sa colonne vertébrale, suggérait qu’il marchait probablement régulièrement sur deux jambes, ce qui semblait conforter d’autres indices le plaçant parmi les ancêtres de l’humanité, les hominines. C’était du moins l’hypothèse avancée par le chef de la mission franco-tchadienne qui avait réalisé la découverte, Michel Brunet, alors à l’université de Poitiers. Mais cet argument, seul, ne suffisait pas à emporter l’adhésion.
Vingt ans plus tard, la publication de ce fémur, ainsi que deux ulnas (os des avant-bras), vient enfin l’étayer. Il est peu dire qu’elle était attendue. L’existence de ces fossiles, connue depuis longtemps par la communauté des paléoanthropologues, et leur non-publication alimentaient rumeurs et soupçons. Un retard sans doute en partie dû à un faux départ : le fémur n’ayant pas été tout de suite classé comme celui d’un hominine, il fut confié en 2004 à une stagiaire avant d’être « correctement » identifié par Roberto Macchiarelli, un paléontologue ne faisant pas partie de la mission, comme l’explique l’article, confirmant les informations du Monde (29 janvier 2018).
C’est en partie une nouvelle équipe qui a d’ailleurs repris l’étude il y a cinq ans, emmenée par Franck Guy et Guillaume Daver, du laboratoire Palevoprim, à Poitiers. A la surprise générale, Michel Brunet n’a pas souhaité en être signataire. « Je le vois comme une manière de passer le relais, à nous, ses successeurs à Poitiers, mais aussi à nos collègues tchadiens », commente le paléontologue Jean-Renaud Boisserie, également signataire.
Passage de relais ? « Je ne me suis pas posé la question », répond l’intéressé, qui dit ne pas s’être associé à la publication pour « garder sa liberté de parole » sur ses conclusions. En l’occurrence, dit Michel Brunet, « l’article est excellent, il confirme – et j’en suis fier – ce que nous avions écrit en 2002 : Toumaï est un bipède arboricole ».
Il vous reste 66.56% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.