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Le site d’investigation Les Jours a publié lundi une enquête établissant que Pôle emploi finance et propose aux demandeurs d’emploi des formations en naturopathie inspirées par des praticiens controversés, comme la sulfureuse Irène Grosjean. Des cours dispensés par des instituts privés dont les enseignements, nébuleux voire dangereux, ne sont pourtant pas reconnus par la communauté scientifique.
Des formations en naturopathie – une discipline alternative revendiquant le statut de “science” mais très décriée – dispensées par des instituts privés non reconnus, pour des montants allant de 8000 à 11.000 euros, financées et proposées aux chômeurs par Pôle emploi. C’est le business aussi lucratif que douteux dévoilé ce lundi par une enquête accablante du site Les Jours.
Des suggestions de reconversion d’autant plus problématiques que ces formations vantent la doctrine d’Irène Grosjean, naturopathe dont la vision de la médecine, les engagements antivaccins et surtout la promotion d’attouchements sexuels sur des enfants sous prétexte thérapeutique a valu à ses disciples d’être rayés des listes de Doctolib voilà une semaine.
Troublantes notions
Pour bien comprendre les enjeux de l’enquête des Jours, il faut donc faire la lumière sur un univers où se croisent des notions, au mieux farfelues et peut-être nocives, comme le crudivorisme, qui pare l’alimentation exclusive en nourriture crue de toutes les vertus, et la cuisson de toutes les tares.
Car si certains courants de la naturopathie ne se revendiquent que comme un accompagnement complémentaire à un suivi médical, les théories d’Irène Grosjean prêchent la défiance envers les médicaments, les vaccins et à faire la publicité de pratiques aberrantes.
Subsides publics
L’investigation a repéré sur le portail de Pôle emploi des propositions de formations relevant de huit instituts privés émargeant à la Fédération française de naturopathie. Tandis que la Direction générale de Pôle emploi a réfuté sa responsabilité dans la “mise en visibilité des offres de formation sur le site et sur les autres portails où ces offres sont dupliquées”, il apparaît que lesdites formations bénéficient encore d’autres subsides publics.
Elles peuvent en effet cumuler des financements en provenance de collectivités comme les missions locales et les Conseils régionaux, ou d’organismes comme les Fonds interprofessionnels de formation, les Fonds d’assurance formation des auto et micro-entrepreneurs, ou encore l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Des exemples éloquents
Autant de formations pourtant non-qualifiantes, et pour cause au vu de la nature pour le moins controversée des enseignements et du danger potentiel qu’ils représentent. L’enquête met d’ailleurs en exergue les exemples éloquents de trois des huit instituts présents sur le portail de Pôle emploi.
On trouve ainsi la mention d’une “École de synergie naturopathe” où l’on professe la “programmation neurolinguistique”, une méthode de développement personnel qui vise rien moins qu’une forme de reconfiguration de l’individu. On note encore la proposition d’un “Institut français des sciences de l’Homme” dont le dirigeant se dit capable d’établir un éventuel diagnostic de problèmes cardiaques en lisant dans l’iris du patient.
Mais l’enquête s’attarde surtout sur le cas du “Collège européen de naturopathie traditionnelle holistique”. Un “Cenatho” fondé par Daniel Kieffer, activiste antivaccin, porté sur d’étonnantes prophéties comme celle-ci, exhumée par Les Jours, se voulant une exégèse de la pandémie de Covid-19.
“Les temps nouveaux, dans la perspective du Verseau qui s’ouvre pour un peu plus des deux millénaires à venir, portent leur propre exigence”.
L’institut de Daniel Kieffer, entendu en 2013 par une commission parlementaire travaillant sur les sectes, discourt sur la “psychogénéalogie”, qui prétend fixer l’origine de notre état de santé dans les agissements de nos ancêtres, préfère la “douche rectale froide” au paracétamol pour soigner la fièvre et rallie les thèses d’Irène Grosjean.
L’ombre d’Irène Grosjean
Celle-ci, âgée de 92 ans et naturopathe depuis 60 ans, connaît ces jours-ci une notoriété plus large et peu enviable, depuis que le collectif L’Extracteur – qui alerte sur les dérives sectaires notamment dans les mondes de la santé et de l’alimentation – a dénoncé, le 22 août dernier, l’une de ses interventions vidéos datée de 2018. Elle y faisait part de ses propres recettes pour vaincre la fièvre, en particulier chez les enfants.
“Si c’est une petite fille, il faut asseoir l’enfant sur une cuvette avec de l’eau glacée (…) avec un gant de toilette, on va frictionner les lèvres et un peu le clitoris”, y conseillait-elle, avant de préconiser le même genre de frictions pour les petits garçons.
En-dehors de ces thérapies ressortant de l’agression sexuelle, Les Jours citent d’autres illustrations effroyables de la médecine alternative dont Irène Grosjean se veut le chantre, comme la prescription de jus de fruit pour guérir de la leucémie, ou d’exercices de respiration pour s’épargner un AVC.
Opportunisme
Sohan Tricoire a connu de près ces théories, pour avoir participé à l’une de ces formations avant de militer pour mettre en garde contre les risques de cette mouvance. Elle a livré son témoignage à l’enquête, évoquant une “bibliographie qui regorge de livres antimédecines et antivaccins”.
“On nous apprend aussi des idées comme le causalisme, qui veut que tous les problèmes de santé découlent de l’éloignement des lois dites naturelles ou divines”, ajoute-t-elle, avant d’enchaîner: “Ça peut aller très loin. Dans la première édition d’un livre d’Irène Grosjean, il est par exemple fait référence au fait qu’elle ait réussi à détourner une personne de l’homosexualité.”
La naturopathe est allée jusqu’à pousser à l’ingestion de “graines germées, de fruits et de crudités” pour “guérir l’homosexualité”. Ce sont ces “ordonnances” qui ont entraîné sa radiation de Doctolib, comme celle de 17 de ses confrères et consoeurs le 22 août.
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