Pour réussir leurs noces, TF1 et M6 pourraient devoir se déshabiller un peu plus plus. Après un premier « round » de remèdes dévoilés en août, les deux partenaires pourraient devoir aller plus loin et semblent relativement prêts à le faire. C’est dans un esprit d’ouverture qu’elles abordent leur audition prévue mardi prochain.
Les groupes restent convaincus du bien-fondé de leur fusion, mais après un rapport défavorable fin juillet des services d’instruction de l’Autorité de la concurrence (ADLC), ils marchent sur une ligne de crête entre éventuelles concessions et mesures drastiques qui les obligeraient à « faire chambre à part », pour reprendre l’expression de Nicolas de Tavernost , président du directoire M6.
Selon nos informations, les remèdes que les groupes et leurs actionnaires (Bouygues et RTL Group) ont proposés en août à l’Autorité permettraient au nouvel ensemble de rester dans les clous des synergies promises en mai 2021 lors de l’annonce de la fusion (entre 250 et 350 millions d’euros).
Batterie d’engagements
Ces remèdes consistent en une dizaine d’engagements concernant notamment la circulation des oeuvres audiovisuelles françaises ; la séparation des régies de TF1 et M6 pour commercialiser la publicité avec indépendance dans la stratégie commerciale et non-couplage des offres ; la mise en place d’une régie séparée pour la radio ; le maintien des contrats de distribution en cours (avec le prolongement d’un an). L’essentiel des engagements ont été présentés pour une durée de trois ans renouvelables.
Or, selon nos informations, les deux groupes seraient prêts à envisager une séparation stricte entre les régies télé qui serait plus longue, par exemple de cinq ans comme cela avait été fait pour TF1 lors du rachat de TMC . Par ailleurs, ils seraient ouverts à une séparation des régies ne portant pas seulement sur les chaînes TF1 et M6, mais incluant aussi les « petites » chaînes (TMC, TF1 Séries Films, Gulli, etc.), suivant le périmètre actuel des régies. Enfin, la séparation porterait aussi sur les ventes de publicité délinéarisée (offres dites de rattrapage sur leurs plateformes de vidéo à la demande).
D’autres évoquent des engagements possibles pour terminer le contrat avec les Indé Radio (dont TF1 a la régie), ainsi que des engagements relatifs à l’indépendance éditoriale que certains opposants avaient pointé du doigt.
« Sans prendre des engagements rédhibitoires, il existe une marge de manoeuvre pour aller plus loin », observent Corinne Khayat et Anne-Marie Pecoraro, avocates associées chez UGGC. Même si aucune nouvelle concession a été présentée pour l’instant, cela pourrait aller relativement vite pendant ou après les auditions.
Ligne rouge
La ligne rouge est en tout cas la vente d’une grande chaîne, en l’occurrence de M6, qui aurait figuré parmi les hypothèses du rapport des services de l’Autorité de la concurrence, remis cet été.
Quoi qu’il en soit, le Collège de l’ADLC doit se prononcer avant la mi-octobre. Toute la question est : de nouveaux engagements sauraient-ils suffire ? Pas forcément à en croire certains opposants. Le noeud du problème réside dans la part de marché publicitaire des deux groupes (75 % environ). A défaut de voir l’Autorité opérer un changement de vision en considérant la concurrence des grands acteurs du numérique, « peu de chances que de nouveaux compromis soient suffisants. On est là sur une question de principe : l’ADLC peut-elle autoriser une fusion avec deux groupes ayant une position écrasante toute la concurrence ? », estime un opposant à la fusion.
« Ce qu’il faut vraiment c’est qu’ils arrivent à convaincre l’ADLC que le marché pertinent n’est pas celui de la télévision, mais celui de la vidéo ou du display au sens large », ajoute Julien Roch, analyste chez Barclays, qui évalue à autour de 43 % la part de marché de TF1-M6 si on prend la vidéo (YouTube etc.).
Les auditions des dirigeants de Bouygues et de RTL (Thomas Rabe devrait venir) prévues mardi, seront l’occasion de présenter leurs arguments. A priori, ils pourraient venir accompagnés d’avocats et de spécialistes de l’économie. Les différents concurrents et parties prenantes seront aussi auditionnés en début de semaine prochaine.