Alors qu’un hiver sans gaz russe se profile, Emmanuel Macron a exhorté les citoyens, lundi 5 septembre, à « être au rendez-vous de la sobriété » afin d’éviter les rationnements de gaz et d’électricité pendant les mois à venir.
« Il ne faut pas jouer sur la peur, on n’est pas dans cette situation » de rationnements, a-t-il toutefois rassuré au cours d’une conférence de presse consacrée à la crise énergétique à l’issue d’un entretien par visioconférence avec le chancelier allemand Olaf Scholz.
« Chacun a son rôle à jouer » pour la sobriété énergétique
« Chacun a son rôle à jouer », a affirmé le président, appelant à la sobriété énergétique et estimant que « la meilleure énergie [était] celle qu’on ne consomm[ait] pas ». Selon lui, « nous avons notre destin en main parce que, depuis le mois de février, on a fait beaucoup de choses et parce que si on arrive à être au rendez-vous de la solidarité et de la sobriété », « la solution est dans notre main », a-t-il ajouté.
« On doit tous se bouger ! », a-t-il poursuivi, en appelant à « changer les comportements » comme celui de « mettre la climatisation un peu moins fort quand il fait chaud » et, cet hiver, « le chauffage un peu moins fort que d’habitude », évoquant une température autour de 19 °C dans les pièces.
« Si nous savons collectivement nous comporter de manière plus sobre et faire des économies d’énergie partout, alors il n’y aura pas de rationnement et il n’y aura pas de coupures », a insisté le chef de l’Etat, en rappelant l’objectif de réaliser « 10 % d’économie d’énergie ».
Vers un « plus grand ciblage de l’accompagnement » financier aux ménages
Pour ce faire, Emmanuel Macron a annoncé la tenue de points réguliers. Le suivi déjà enclenché, notamment grâce à Mon Ecowatt, « donne déjà beaucoup d’informations » sur la situation énergétique. « On va essayer d’améliorer tous ces instruments pour que chacun puisse se l’approprier au niveau individuel », a précisé le chef de l’Etat.
En ce qui concerne les aides financières aux ménages, telles que le bouclier tarifaire, Emmanuel Macron a averti, sans donner de calendrier, qu’elles ne pourraient pas être conservées « pendant des mois et des mois ». Le gouvernement s’oriente donc vers un « plus grand ciblage de l’accompagnement » pour les « classes moyennes et les familles les plus modestes qui ne pourraient pas résister à une hausse des prix ».
Le ministre délégué aux comptes publics, Gabriel Attal, avait annoncé samedi que le gouvernement allait « maintenir un système de bouclier en 2023 ». Selon une étude de l’Insee, ces mesures de « bouclier tarifaire » ont permis de réduire de moitié l’effet de la flambée des prix de l’énergie sur l’inflation.
Paris s’engage à livrer du gaz à l’Allemagne
Alors que le géant de l’énergie russe Gazprom vient d’annoncer la prolongation de l’arrêt total du gazoduc Nord Stream, entre la Russie et l’Allemagne, Berlin et l’Europe se préparent à un hiver sans gaz russe – Gazprom a déjà arrêté ses livraisons de gaz à l’opérateur français Engie.
C’est face à cette menace qu’Emmanuel Macron s’est entretenu avec le chancelier allemand lundi. Au cours de sa conférence de presse, le chef de l’Etat français a annoncé que Paris s’engageait à livrer davantage de gaz à l’Allemagne, qui pourrait en retour lui fournir de l’électricité si la crise énergétique le nécessitait cet hiver.
Au niveau européen, M. Macron s’est également déclaré « favorable à des pratiques d’achat commun du gaz » pour acheter « moins cher », ainsi qu’au plafonnement du prix du gaz russe livré par gazoduc.
Un « mécanisme de contribution européenne » plutôt qu’une taxe nationale sur les superprofits
Le président français s’est en outre dit favorable à ce que l’Union européenne (UE) impose une contribution sur les opérateurs énergétiques qui feraient des « bénéfices indus » avec la flambée des prix de gros de l’électricité sur le continent, à l’unisson de l’Allemagne. La Commission européenne prépare, de son côté, son propre plan pour contenir la flambée des prix de l’électricité.
Plutôt qu’une taxe nationale sur les superprofits, la France soutient donc un mécanisme non fiscal et harmonisé au niveau européen, qui permettrait de récupérer une partie des bénéfices engrangés par des producteurs d’électricité renouvelable ou nucléaire qui produisent aujourd’hui une électricité à bas coût mais revendue à des prix records.
Les prix européens de l’électricité, quel que soit son mode de production, sont en effet corrélés au prix du gaz qui atteint depuis la guerre en Ukraine des sommets historiques. « Cette contribution pourrait ensuite être reversée aux États pour financer leurs mesures nationales ciblées », en faveur des ménages et des entreprises, du type bouclier tarifaire, a-t-il expliqué.
« Pas d’évidence de besoin » d’un troisième gazoduc entre la France et l’Espagne
Interrogé sur le projet Midcat, soutenu par Madrid et Berlin, d’un nouveau gazoduc entre la France et l’Espagne, le chef de l’Etat a déclaré ne pas voir « d’évidence » au « besoin » de ce troisième dispositif. En Europe, « on a besoin de plus d’interconnexion électrique » mais « je ne suis pas convaincu qu’on ait besoin de plus d’interconnexion gazière, dont les conséquences, en particulier sur l’environnement, et en particulier sur l’écosystème, sont plus importantes », a-t-il notamment expliqué.
M. Macron a rappelé que, pendant la période de stress en février, les deux gazoducs existants entre l’Espagne et la France sont utilisés à 53 % de leur capacité, Paris exportant vers l’Espagne. En pleine « crise gazière, nous ne sommes pas en train de saturer les connexions existantes (…). Je ne comprends pas le problème à court terme qu’on essaie de résoudre », a-t-il asséné.
Selon lui, « il n’y a pas d’évidence de besoin, il n’y a pas d’évidence aujourd’hui, pas d’évidence demain, il y a de vraies difficultés ». Et d’insister : « Est-ce qu’investir aujourd’hui pour avoir un troisième gazoduc entre la France et l’Espagne répond à notre question ? Je ne crois pas. »
Les critiques sur le nucléaire « absolument inacceptable[s] »
Enfin, sur l’état du parc nucléaire français, le président français s’est vivement défendu, jugeant « absolument inacceptable que les gens qui ont eu la responsabilité des travaux de maintenance du parc installé puissent expliquer que nous n’avons pas pris nos responsabilités ».
Le chef de l’Etat faisait référence, sans le nommer, à l’actuel PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy, qui a critiqué fin août, à quelques semaines de quitter ses fonctions, le manque de vision stratégique de long terme de l’Etat sur le nucléaire. Emmanuel Macron a rappelé avoir repoussé de dix ans l’échéance d’une réduction de 50 % du nucléaire, affirmant avoir « redonné de la visibilité, redonn[é] de la confiance à la filière [et] redonn[é] des objectifs ».
A propos de la centrale de Fessenheim, « si [les travaux de maintenance] avaient simplement été faits correctement sur le reste du parc, nous n’aurions même pas cette discussion aujourd’hui ; ce n’est pas un sujet, Fessenheim », a balayé M. Macron. « Quand je vois les difficultés qu’il y a à ce que certaines centrales soient maintenues ouvertes, alors même qu’elles sont beaucoup plus récentes, qu’on ne vienne pas me rechercher sur Fessenheim. Fessenheim, en quelque sorte, la messe était dite, la décision stratégique avait été prise il y a cinq ans avant pour la plus vieille centrale du parc. Elle était donc cohérente », a-t-il ajouté.