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John Sawyer, un ingénieur météo du Met Office, l’organisme national de la météorologie en Angleterre, est l’auteur d’un article, étonnement précis sur le changement climatique, qui a été publié en 1972. Dans les années 1970, de nombreux climatologues de référence pensent que la Terre était au bord d’une nouvelle période de glaciation, et ce n’est qu’à partir de la fin des années 1980 que certains scientifiques commencent à envisager le scénario d’un réchauffement global lié aux émissions de CO2.
Il faudra attendre environ 20 ans pour assister aux débuts, très timides, de la médiatisation du réchauffement climatique. Or, dans les années 1970, le météorologue John Sawyer publie des prévisions climatiques jugées farfelues par beaucoup de ses confrères dans le monde. Ces prévisions se révèleront étonnement justes, très proches de la réalité, 50 ans après, en 2022.
Des prévisions de réchauffement difficiles à entendre dans les années 1970
Né en 1916 et décédé en 2000, John Sawyer a débuté sa carrière comme technicien à la Royal Air Force durant la Seconde Guerre Mondiale, avant de devenir directeur de recherche. Il devient rapidement un météorologue de référence au niveau international et est nommé président de la commission des Sciences de l’atmosphère au sein de l’Organisation météorologique Mondiale. Il dirige également la Royal Meteorological Society dans les années 1960.
Son article, intitulé Le dioxyde de carbone d’origine humaine et l’effet de serre, a été publié dans la revue de référence Nature en 1972. Il prévoit que les températures grimperont de 0,6 °C d’ici la fin du XXe siècle, un chiffre légèrement surestimé (0,48 °C au final).
Une couverture présente au-dessus de l’atmosphère qui empêche la chaleur de s’échapper et donc réchauffe la Planète
Sawyer explique comment l’activité industrielle conduit à une augmentation des émissions de CO2 qui, ensuite, provoque une hausse des températures. Un concept révolutionnaire à l’époque, et tout simplement impensable, même pour les scientifiques. Il utilise pour cela la métaphore « d’une couverture présente au-dessus de l’atmosphère qui empêche la chaleur de s’échapper et donc réchauffe la Planète », une comparaison qui est aujourd’hui utilisée par tous les experts météo et climat dans leur communication.
Le météorologue explique également comment une partie du CO2 est absorbée par les océans et par la végétation. Plus encore, il détaille même comment le réchauffement climatique conduit à une augmentation de la vapeur d’eau dans l’atmosphère qui elle-même réchauffe à son tour le climat. Il cite les calculs de Syukuro Manabe, un autre ingénieur météo, qui conclut que le doublement des émissions de CO2 provoquerait une hausse de 2,4 °C de la température mondiale.
De telles hypothèses étaient d’autant plus incroyables à entendre à l’époque car les températures avaient subi un léger refroidissement entre 1950 et 1970, avant de repartir effectivement à la hausse dans les années 1970. Les dernières estimations climatiques prévoient effectivement une hausse de 2 à 2,5 °C de la température mondiale entre 2050 et 2080.
Une vision du futur assez juste malgré quelques oublis
Les prévisions de John Sawyer se sont révélées globalement justes, avec quelques approximations et erreurs : le météorologue n’a pas pris en compte l’effet des autres gaz à effet de serre, comme le méthane et l’ozone par exemple. Il a également oublié le rôle de la pollution aux particules qui a un effet refroidissant.
Mais John Sawyer est bien conscient des limites de ses prévisions et précise qu’il aurait besoin de « modèles de prévision plus sophistiqués » qui représenteraient la circulation globale de l’atmosphère avec la formation des nuages et de la pluie. Une idée également révolutionnaire puisque les tout premiers modèles de prévision météo n’ont vu le jour qu’à partir de 1965 et ne se sont vraiment développés qu’à partir des années 1980.
Même s’il ne se montrait pas particulièrement inquiet à propos des conséquences du réchauffement climatique, Sawyer précisait tout de même que ces changements auraient un impact économique. Décédé en 2000, le météorologue a finalement pu constater la réalité de ses prévisions à la fin de sa vie, sans pour autant avoir eu le temps d’en observer les conséquences que nous connaissons actuellement sur les phénomènes météo, la santé humaine, la biodiversité et l’économie.
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