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Le radiotélescope du VLBA reconstruit pour la première fois les mouvements d’une exoplanète avec une étoile double



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Il existe plusieurs méthodes de détection des exoplanètes, les plus connues sont celles du transit et des vitesses radiales. La première donne la période orbitale de l’exoplanète et une estimation de son rayon. Mais elle a plusieurs inconvénients, toutes les exoplanètes ne font pas des transits, la méthode ne donne pas la masse de l’exoplanète et elle n’indique essentiellement que la présence d’une exoplanète pour chaque transit.

La seconde méthode donne aussi la période orbitale et elle a l’avantage de s’appliquer en l’absence de transit, ce qui augmente le nombre de candidats détectables. Mais, sauf l’occurrence également d’un transit, elle ne donne qu’une borne sur la masse d’une exoplanète. En revanche, la courbe des vitesses radiales de l’étoile hôte manifeste directement la présence de plusieurs exoplanètes.

Il existe un référentiel, celui du centre de masse, où une planète et une étoile tournent autour de celui-ci comme le montre cette animation. © ESA Science & Technology

Une technique ancienne de détection des corps célestes

Il existe une méthode qui donne des estimations de masse plus précises que celle des vitesses radiales et c’est la méthode astrométrique qui consiste à détecter et mesurer non plus des décalages Doppler — manifestant indirectement des mouvements d’oscillation d’une étoile en réponse à l’attraction gravitationnelle de son cortège d’exoplanètes –, mais bel et bien à mesurer et détecter directement les mouvements de l’étoile autour du centre de masse du système d’astres sur la voûte céleste.

Il s’agit de la méthode astrométrique, déjà utilisée pour détecter l’existence de la planète Neptune par ses perturbations sur la planète Uranus, mais que les astronomes ont appliquée au cas des exoplanètes déjà en 1943 lorsque l’astronome Kaj Strand, travaillant à l’observatoire Sproul du Swarthmore College (États-Unis), annonça que ses mesures astrométriques avaient révélé la présence d’une planète en orbite autour de l’étoile 61 Cygni.

Le fait qu’une étoile tourne autour de son centre de masse avec une exoplanète autour d’elle introduit des mouvements d’oscillation sur la voûte céleste pour un observateur sur Terre. La mesure de ces mouvements permet de remonter à des caractéristiques des corps célestes en orbite. © ESA Science & Technology

En 1960 et 1963, toujours dans le même observatoire, les astronomes Sarah Lippincott et Peter Van de Kamp ont encore fait savoir qu’ils pensaient avoir détecté par astrométrie deux exoplanètes. L’une, d’environ dix fois la masse de Jupiter serait en orbite autour de l’étoile Lalande 21185 et l’autre autour de l’étoile de Barnard.

Aucune de ces détections n’a depuis été confirmée (même s’il semble bel et bien y avoir peut-être une exoplanète autour de l’étoile de Barnard), pas même après la première détection d’une exoplanète autour d’une étoile de la séquence principale en 1995 par les Suisses Michel Mayor et Didier Queloz.

Mais, aujourd’hui, une équipe de radioastronomes a fait savoir via une publication dans Astronomical Journal dont on peut trouver une version en accès libre sur arXiv que, non seulement, elle pensait avoir mis en évidence par astrométrie une exoplanète mais avoir aussi réussi à extraire des mesures astrométriques la première représentation complète des mouvements d’une exoplanète avec ceux des étoiles du système binaire auquel elle est liée. C’est la première reconstitution en 3D d’un tel système triple, reconstitution qu’il n’est pas possible d’obtenir avec les autres méthodes de détection et d’étude des exoplanètes selon l’un des auteurs de l’article, Salvador Curiel, de la National Autonomous University of Mexico (Unam).

La performance, qui concerne une exoplanète de la taille de Jupiter en orbite autour d’une des étoiles du Système binaire GJ 896AB situé à environ 20 années-lumière du Soleil dans la Voie lactée, a été rendue possible grâce aux radiotélescopes répartis sur la surface de la Terre et qui constituent le Very Long Baseline Array (VLBA).

Cette animation illustre les mouvements orbitaux d’une paire d’étoiles et d’une planète en orbite autour de l’une des étoiles. En l’occurrence, ce sont des étoiles naines rouges, le type le plus courant dans notre Galaxie de la Voie lactée. La plus grande, autour de laquelle la planète orbite, a environ 44 % de la masse de notre Soleil, tandis que la plus petite a environ 17 % de la masse du Soleil. Elles sont séparées d’environ la distance de Neptune au Soleil et tournent l’une autour de l’autre une fois tous les 229 ans. Les deux étoiles s’appellent GJ 896AB. © Sophia Dagnello, NRAO/AUI/NSF

Une clé pour comprendre la formation des planètes

Ces antennes, qui permettent de faire de la synthèse d’ouverture et de disposer de l’équivalent d’un radiotélescope géant de plusieurs milliers de kilomètres de diamètre, ont observé GJ 896AB par moment, de 2006 à 2011, puis en 2020. Les données collectées ont été complétées par les mesures faites dans le visible de 1941 à 2017. Les lois de la mécanique céleste ont enfin été appliquées pour extraire de ces données les mouvements en 3D des étoiles et de la planète et pas seulement ceux, apparents, sur la voûte céleste.

Les oscillations des étoiles autour du centre de masse du Système ont fourni en bonus une estimation de la masse de l’exoplanète, environ deux fois celle de Jupiter, ainsi que celle de sa période orbitale, environ 284 jours. Il a aussi été possible d’en déduire que l’exoplanète avait un plan orbitale incliné de 148 degrés par rapport à celui des étoiles de la binaire, ce qui implique que l’exoplanète tourne en sens opposé de celui des étoiles l’une autour de l’autre, à une distance comparable à celle de Vénus au Soleil.

Selon l’un des chercheurs impliqués dans ces découverte, Gisela Ortiz-León, de l’Unam et de l’Institut Max Planck de radioastronomie : « C’est la première fois qu’une telle structure dynamique est observée sur une planète associée à un système binaire compact qui s’est vraisemblablement formé dans le même disque protoplanétaire ».

Son collègue Joel Sanchez-Bermudez, également en poste à l’Unam, précise quant à lui : « Des études détaillées supplémentaires de ce système et de systèmes similaires peuvent nous aider à obtenir des informations importantes sur la façon dont les planètes se forment dans les systèmes binaires. Il existe plusieurs théories pour le mécanisme de formation, et plus de données peuvent éventuellement indiquer celle qui est la plus probable. En particulier, les modèles actuels indiquent qu’une si grande planète est très peu probable en tant que compagnon d’une si petite étoile, alors peut-être que ces modèles doivent être révisés ».

Toujours dans un communiqué du National Radio Astronomy Observatory, la radioastronome Amy Mioduszewski ajoute en conclusion : « Nous pouvons faire beaucoup plus de travail comme celui-ci avec le futur VLA de nouvelle génération (ngVLA). Avec lui, nous pourrons peut-être trouver des planètes aussi petites que la Terre ».

Les principales méthodes de détection des exoplanètes. © CEA Recherche

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