François Legault change de ton et entrouvre finalement la porte au «pacte vert» de dix milliards $ sur cinq ans réclamé par les municipalités pour lutter contre les changements climatiques.
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En début de semaine, le premier ministre sortant avait pourtant opposé une fin de non-recevoir aux villes. Il disait alors s’appuyer sur la capacité de payer des contribuables.
Mais de passage devant l’Union des municipalités vendredi, il s’est montré ouvert à délier les cordons de la bourse pour aider les villes à adapter leurs infrastructures à la crise climatique.
Que ce soit pour l’eau potable ou pour lutter contre les îlots de chaleur, le chef de la CAQ est ouvert à discuter.
Le projet Oasis porte notamment sur les îlots de chaleur, a-t-il rappelé aux municipalités. «S’il n’y a pas assez d’argent, on va en ajouter dans le projet Oasis, mais ça va aller au mérite, donc les projets qui vont être présentés, on va les accompagner», a-t-il assuré.
Questionné sur ce revirement, François Legault a mis la faute sur les médias.
«Je suis moins catégorique que ce qui a été écrit par les journalistes», a-t-il dit. Le premier ministre sortant a toutefois prévenu les maires et mairesses que les Québécois paient déjà beaucoup d’impôts.
«Si demain matin je donnais deux milliards $ par année de plus aux municipalités, bien il faudrait que j’augmente les impôts sur le revenu de deux milliards, donc c’est toujours le même contribuable, que ce soit pour les impôts fonciers dans les municipalités ou que ce soit pour les impôts sur le revenu à Québec, c’est toujours le même contribuable. Avec l’inflation, ce n’est surement pas le temps de mettre des taxes oranges!», a-t-il raillé à l’intention du solidaire Gabriel Nadeau-Dubois, qui était dans l’assistance.
L’ouverture du chef de la CAQ a ravi les élus municipaux. Mais le dossier est loin d’être réglé. Le président de l’UMQ, Daniel Côté a précisé que les deux milliards $ mis de l’avant par ses membres n’est pas un chiffre inventé, mais est basé sur la science.
«Si le chiffre de deux milliards était tiré d’un chapeau, il serait plus facilement discutable, mais il est basé sur des études professionnels, d’ingénierie», a-t-il insisté.
Anglade prête à modifier le PQ
Le cheffe libérale Dominique Anglade s’est également dite ouverte à modifier le Plan québécois des infrastructures afin de financer l’adaptation aux changements climatiques dans les municipalités.
« Ce sont toutes sortes de dépenses et investissements dans les infrastructures qu’il va falloir prioriser. Il va falloir qu’on s’asseye avec les municipalités. Il va falloir que dans le PQI on soit capables de revoir de quelle manière on le ferait », a-t-elle déclaré après son allocution devant les maires des grandes villes.
Les sommes prévues pour les écoles et les hôpitaux, promet Mme Anglade, ne seraient pas affectées.
Nouvelle vague d’élus
Prenant la parole à son tour devant les maires réunis par l’UMQ, Gabriel Nadeau-Dubois a présenté Québec solidaire comme étant l’option politique s’apparentant le plus à la nouvelle vague d’élus municipaux qui « essaie de changer les choses » pour le climat, le logement et la qualité de vie.
« Ce que je propose, c’est qu’on envoie aussi du sang neuf à l’Assemblée nationale », a soutenu le co-porte-parole de Québec solidaire, en faisant valoir la « révolution transport » que promet son parti sur tout le territoire québécois.
Ce sera « le plus grand chantier depuis la révolution tranquille », a insisté M. Nadeau-Dubois, qui dévoilera vendredi le dernier volet de son plan en transport.
« Le principal maillon faible en transport en commun au Québec, c’est le transport interurbain », a-t-il rappelé. Plutôt que d’investir 6,5 milliards $ dans un 3e lien comme la CAQ, « on va fonder “Québec rail”, on va fonder “Québec bus” : de nouvelles sociétés de transports interurbains », a dit le porte-parole solidaire.
Legault «vite sur la gâchette»
Pour sa part, le maire de Québec a déploré en matinée que le premier ministre ait «été trop vite sur la gâchette» en rejetant le Pacte vert proposé par les élus de l’UMQ en début de semaine.
Bruno Marchand reconnaît qu’une enveloppe de 7 milliards$ est sur la table pour diminuer les gaz à effet de serre.
«C’est une bonne chose, dit-il. [Mais] ce dont on parle ici, on n’est pas en réduction de GES, on est en adaptation aux changements climatiques», a-t-il rappelé avant le discours de François Legault.
«Donc, de construire un réseau d’égouts capable de supporter les charges, ce n’est pas nécessairement réduire les GES», illustre-t-il.
Quelques pas plus loin, la mairesse de Longueuil a donné l’exemple des pluies importantes qui ont frappé la région métropolitaine en début de semaine.
«Il y a un coût énorme lié aux changements climatiques, aux événements exceptionnels, comme les pluies diluviennes qu’on a connues, qui vont devenir de moins en moins exceptionnels», souligne Catherine Fournier.
À titre d’exemple, lors des événements de mardi, la Ville de Longueuil a dû rappeler «des dizaines et des dizaines d’employés en urgence».
De plus, l’administration s’attend à des réclamations de résidents inondés.
«Ça vient avec une facture énorme pour notre Ville», plaide Catherine Fournier.
Par ailleurs, la mairesse de Sherbrooke critique les baisses d’impôt promises par le chef de la CAQ, au détriment des infrastructures municipales.
«C’est sûr que l’histoire des baisses d’impôts et le fait que les surplus servent principalement à redonner l’argent dans les portefeuilles des contribuables plutôt que de payer les besoins de municipalité en infrastructures, c’est un peu difficile», a déclaré Évelyne Beaudin en marge du sommet électoral de l’Union des municipalités du Québec.
Elle soutient néanmoins «qu’honnêtement, monsieur Legault a ouvert la porte plus qu’il ne l’a jamais fait» afin de régler le pacte vert de 2 G$ réclamé par les municipalités du Québec.
–Avec la collaboration de Patrick Bellerose, Marc-André Gagnon et Nicolas Lachance, Bureau parlementaire