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Un pollen extrêmement dangereux responsable d’une pandémie mortelle en Suisse. À moins que ce ne soit un produit chimique ventilé par l’industrie agro-alimentaire. C’est de la fiction, rassurez-vous. Une fiction à la base d’une exposition sur les biais cognitifs à l’Université de Genève.
De notre correspondant à Genève,
« Est-ce que nous nous dirigeons vers une catastrophe majeure ? » « Je crois que les chiffres sont clairs, ils indiquent une stupéfiante augmentation du nombre de décès ces dernières semaines dans toute la partie orientale de la Suisse. » « On ne le voit pas, mais la pollution est autour de nous et plein de pollen, le fameux pollen écarlate. »
Ce que vous entendez, ce sont des extraits de deux vidéos diffusées pendant l’exposition. Dans les deux cas, les experts, les témoins, les anonymes, défilent devant les caméras et les micros pour donner leur avis sur les origines de la pandémie. Pour les uns, c’est le pollen le responsable. Pour les autres, ce sont les industriels. Les données sont pourtant les mêmes. C’est là qu’interviennent les biais cognitifs, explique Mona Spiridon, commissaire de l’exposition : « Même avec quelques données, des gens peuvent avoir des conclusions totalement différentes parce que, simplement, ils vont choisir les données qui les arrangent, ils vont les interpréter d’une certaine manière, ils vont faire les comparaisons qui les arrangent. Au final, ils vont se convaincre d’une conclusion plutôt que d’une autre. »
Parmi les biais les plus connus, il y a le biais de confirmation. C’est ce qui nous pousse à privilégier tous les arguments qui iraient dans notre sens. Et à rejeter ceux qui tendent à invalider nos hypothèses. Il y a aussi le biais de disponibilité qui fait qu’on se contente des informations disponibles immédiatement. Le biais de groupe, qui a eu un effet démultiplicateur avec l’avènement des réseaux sociaux où nous sommes exposés qu’au raisonnement des gens qui pensent normalement à peu près comme nous. Et personne n’est immunisé contre ces biais. Pas même les scientifiques : « Parfois même les experts ont même des biais plus importants que les autres parce qu’ils sont beaucoup plus capables de trouver des arguments en faveur de leur point de vue et ont aussi beaucoup plus d’outils pour critiquer les arguments des autres. L’idée, c’était justement de montrer comment il est très facile à partir de quelques données de se convaincre qu’on a objectivement raison. »
En cette rentrée, le Covid semble presque oublié dans les rues de Genève. Mais pas le temps passé à débattre avec ses proches. À se brouiller parfois même au sujet du virus. Et à changer d’avis au fur et à mesure que nos connaissances progressaient. Un air de déjà vu pour Régine et Claire : « C’est vrai que ça fait un énorme écho à tout ce qu’on a vécu pendant la pandémie. Donc, c’est vrai qu’on se retrouve à écouter des gens : “c’est ça, mais lui, il sait de quoi il parle” et après à se dire, “mais en fait peut-être pas tout compte fait”. Cette expo, elle souligne cette façon qu’on a de fonctionner. » « J’ai pas besoin de cette expo pour ça, mais je trouve que c’est intelligent. Ça permet aussi de se positionner où se dépositionner. »
Ne comptez d’ailleurs pas sur les organisateurs de l’exposition pour vous dire si c’est le pollen ou la pollution qui sont finalement responsables de cette vraie fausse pandémie. La nouvelle menace n’a pas vraiment pour objectif de débusquer les fake news. Mais plutôt de remettre le doute au cœur de notre réflexion et de la démarche scientifique. Pour redonner ses lettres de noblesses à la phrase : « Je ne sais pas. »
► Pour en savoir plus : La nouvelle menace, exposition sur les biais cognitifs