Qui imagine un seul instant le général de Gaulle polémiquer sur l’avenir de la filière nucléaire avec Marcel Boiteux (nommé patron d’EDF en septembre 1967) ? La question est anachronique, mais elle a le mérite de mettre en perspective la dispute surréaliste à laquelle viennent de se livrer Emmanuel Macron et Jean-Bernard Lévy.
Juste avant de céder les rênes de l’électricien national, ce dernier a accusé à mots à peine couverts le chef de l’Etat d’avoir participé au déclin de la filière nucléaire. Celle-ci traverse une passe difficile avec près de la moitié du parc de réacteurs à l’arrêt pour cause de maintenance, de corrosion et de malfaçons. Au cœur de la passe d’armes, la fermeture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) en 2020, décidée huit ans plus tôt par François Hollande, mais mise en œuvre par Emmanuel Macron.
L’épisode est symptomatique du malaise qui hante le nucléaire français et de l’incapacité à débattre objectivement de la place qu’il doit occuper dans notre bouquet énergétique. Face à l’inconstance du pouvoir politique, la filière est déboussolée et impréparée à prendre les bonnes décisions.
Quant au débat public, il tient tantôt du café du commerce, tantôt du combat idéologique, sans jamais pouvoir faire émerger un diagnostic qui permettrait aux Français de se forger une opinion raisonnable sur un sujet crucial, au moment où la lutte contre le réchauffement climatique se double d’une crise énergétique sans précédent. « Il est très compliqué d’obtenir la photographie complète du sujet, puisque, suivant son point de vue, chacun n’utilise que les arguments allant dans un sens en fonction de ses propres a priori », résume Christian de Perthuis, directeur de la chaire Economie du climat à l’université Paris-Dauphine.
Personne n’assume
L’exemple vient d’en haut, dit-on. Voire. Fessenheim n’est que la triste illustration de l’absence de vision du politique. La fermeture d’une centrale est une décision lourde et de long terme, qui doit être prise sur des critères scientifiques et économiques, pas à l’aune d’un accord politicien que l’élection suivante ou la démission soudaine d’un ministre rendra caduque quelque mois plus tard.
Aujourd’hui, personne n’assume et chacun se renvoie la balle. Après les atermoiements sur la relance de la filière, s’impose désormais le fait du prince avec un chef de l’Etat qui annonce la construction de nouveaux réacteurs sans avoir débattu du sort du parc existant, du choix de la technologie et de l’intégration du projet dans une vision européenne de l’énergie. Le président doit fixer le cap, mais est-ce son rôle de déterminer ex abrupto de combien de réacteurs le pays a besoin avant une large consultation ? La méthode n’aide pas à apaiser un dialogue déjà passablement sous tension.
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