Chaque mardi et vendredi soirs, la place de la mairie du Castellet se transforme en « drive ». Les habitants garent leur voiture, en ouvrent le coffre et chargent des packs de bouteilles d’eau. Les affichettes apposées sur les fontaines en pierre de ce petit village des Alpes-de-Haute-Provence, entouré de montagnes et de champs de lavande, rappellent la situation : l’eau du robinet n’est plus potable.
« On en a marre », dit Sauveur Civiletti, 75 ans, trois packs dans la Kangoo. Lapidaire, la formule résume assez fidèlement l’esprit des 300 habitants, davantage résignés que révoltés. Marre de faire cuire les pâtes avec de l’eau en bouteille, marre de préparer le café avec de l’eau en bouteille, marre de laver la salade avec de l’eau en bouteille, marre de rincer le biberon du bébé avec de l’eau en bouteille… Plus de trois mois que dure « ce cirque ». Précisément depuis le 8 juin et la détection dans la source d’eau potable d’un produit de dégradation de pesticide, ce qu’on appelle un « métabolite », au nom barbare de N, N-diméthylsulfamide, à des niveaux de concentration (0,7 microgramme par litre) sept fois supérieurs à la valeur limite fixée par le code de la santé publique.
« Cela a été un coup de massue », accuse le maire (sans étiquette), Benoît Gouin. Puimichel, la commune voisine, a pu se raccorder à un ancien réseau et un camion-citerne fait des rotations pour compléter. Pas Le Castellet. La salle des fêtes est devenue un « débit de boisson ». Trois palettes de 500 bouteilles encombrent la pièce. Chacun vient chercher sa ration : trois bouteilles par personne et par jour. Le maire tient le registre, comme un épicier :
« Toujours quatre ?
– Ben oui
– Alors six packs !
– Ben oui »
L’édile prête main-forte pour transbahuter les bouteilles jusqu’aux véhicules. Des employés municipaux assurent les livraisons au domicile des personnes qui ne peuvent pas se déplacer. L’agglomération Durance Luberon Verdon détache des agents pour aider à la distribution. La collectivité territoriale a la compétence de la gestion de l’eau : c’est elle qui finance l’achat des bouteilles. Plus de 50 000 ont déjà été englouties pour une facture de 25 000 euros. « Ce serait insupportable pour une petite commune comme la nôtre », dit M. Gouin. Ses administrés, eux, craignent une flambée de leurs futures factures d’eau. L’agglomération travaille sur un projet de raccordement à un autre réseau d’eau potable. « Six kilomètres de réseau dans la campagne, cela ne se fait pas du jour au lendemain et cela a un coût, estimé à 800 000 euros », avertit Serge Faudrin, vice-président de l’agglomération délégué à l’eau.
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