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La Norvège est-elle vraiment un exemple à suivre, comme le prétend Éric Duhaime?



Non, le Québec ne devrait pas financer sa transition énergétique en développant ses hydrocarbures comme le propose le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime. Cette proposition «ne tient pas la route», s’accordent des experts.

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Éric Duhaime l’a encore répété dimanche soir, sur le plateau de Tout le monde en parle: il rêve de voir le Québec faire «comme la Norvège» en développant son pétrole et son gaz naturel, le tout, dit-il, pour payer la transition énergétique. Dans le programme conservateur, l’exploitation d’hydrocarbures figure même parmi les promesses en environnement. 

En entrevue avec Guy A. Lepage, le chef conservateur a également rappelé que le premier ministre sortant, François Legault, avait lui aussi la prétention en 2013 de faire du Québec «la Norvège de l’Amérique du Nord». 

Le hic, c’est que le chef conservateur se trompe. Contrairement à ce qu’il sous-entend, «la Norvège n’a pas décidé d’exploiter ses hydrocarbures pour financer sa transition énergétique», insiste le directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal, Normand Mousseau. 

D’ailleurs, «les revenus du pétrole et du gaz ne financent aucun programme actuel en Norvège», explique le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau. 

De l’argent pour les générations futures

Dans ce pays scandinave, les profits des pétrolières ne sont en effet pas investis dans des programmes courants, comme la santé, l’éducation ou la transition énergétique, mais plutôt dans un fonds destiné aux générations futures. 

«En somme, les richesses des hydrocarbures ne sont pas dépensées immédiatement, mais économisées pour plus tard. C’est en fait l’inverse de ce qu’Éric Duhaime semble vouloir faire», souligne M. Pineau. 

Ce fonds souverain lancé en 1990 cumule aujourd’hui plus de 1500 milliards $. Il est inspiré du Heritage Fund albertain, créé 14 ans plus tôt, mais auquel les secteurs pétroliers et gaziers ne contribuent plus, précise Normand Mousseau. 

Le pétrole et le gaz très taxés

Autre différence majeure entre la Norvège et ce que propose le PCQ de Duhaime: une grande partie de l’argent du fonds provient des taxes et des impôts, qui sont très élevés dans le pays scandinave. Les profits des pétrolières sont, par exemple, imposés à près de 80%. 

Le PCQ, lui, veut faire le contraire en réduisant les taxes sur l’essence et en abolissant la taxe fédérale sur le carbone. 

«Si Éric Duhaime et François Legault voulaient suivre l’exemple norvégien – ce que je recommande par ailleurs –, ils devraient imposer des taxes de l’ordre de 100% sur les VUS et presque doubler les taxes sur les combustibles. C’est exactement le contraire qu’ils prônent… ce qui illustre très bien leur manque assez complet de connaissances sur ce sujet», lance Pierre-Olivier Pineau. 

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La Norvège est par ailleurs l’un des premiers pays au monde à avoir mis sur pied une taxe carbone en 1991; elle entend la tripler d’ici 2030. 

Championne des véhicules électriques, mais pas de la transition énergétique

L’autre problème, selon le professeur Pineau, est que «la Norvège n’est pas en transition énergétique si on regarde la trajectoire de sa consommation d’hydrocarbures et ses émissions de gaz à effet de serre (GES)». 

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Depuis 1990, ses émissions de GES n’ont diminué que de 4%, ce qui équivaut à la performance du Québec (-3%). Sa consommation de pétrole et de gaz naturel a même augmenté dans les 30 dernières années. 

«La Norvège est beaucoup moins un modèle que ses voisins, précise l’expert. La Suède a réduit ses émissions de GES de 35% depuis 1990, la Finlande de 33% et le Danemark de 39%.» 

Pourquoi alors la Norvège est-elle présentée comme une championne de la transition énergétique? 

«Parce qu’elle est leader dans les ventes de véhicules électriques, réplique Pierre-Olivier Pineau. Elle réussit à en vendre beaucoup pour une raison à laquelle la CAQ de François Legault est fondamentalement allergique: la Norvège, comme ses voisins, taxe énormément les véhicules individuels et l’essence. Plus le véhicule est gros, plus il est taxé.» 

Et les véhicules électriques, eux, sont exemptés de taxes, ce qui les rend compétitifs à l’achat, et ce, sans que l’État ait à verser de l’argent aux acheteurs ni aux concessionnaires. 

«Cette taxe a permis de limiter la prolifération des gros véhicules, beaucoup moins prononcée qu’au Québec, et d’avoir un parc de véhicules qui est environ 20% moins énergivore qu’en Amérique du Nord», signale M. Pineau. 



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Written by Stephanie

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