C’est fait, et bien fait même. La sonde Dart de la NasaNasa a violemment percuté l’astéroïdeastéroïde Dimorphos de 160 mètres de diamètre. Cependant, il faudra attendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour savoir s’il est parvenu à modifier son orbiteorbite. On s’attend à ce que cette collision perturbe d’au minimum près de trois minutes la rotation de l’astéroïde. Une perturbation qui peut apparaître dérisoire mais, en raison des distances en jeu, effectué suffisamment à l’avance, un changement d’orbite de quelques millimètres peut « faire la différence entre une planète percutée ou seulement survolée à bonne distance par un astéroïde », nous expliquait hier Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur, responsable scientifique de HeraHera et coordinateur de la coopération Aida (Dart + Hera). Attendons les premières données pour mesurer le succès de la mission.
Patrick Michel, qui était présent dans le laboratoire où se trouve le centre de contrôle de la mission, nous livrera ses impressions et analyses de cet impact historique. Une nouvelle ère de l’exploration spatiale pourrait bien s’ouvrir.
Si cet impact a été suivi en direct par tout un chacun, il l’a également été par le cubesatcubesat italien LICIACube, déployé la semaine dernière. Positionné à proximité de Dimorphos de façon à observer la collision en sécurité, LICIACube a pu suivre la collision avant et après et donc acquérir des images remarquables et d’un très grand intérêt scientifique du cratère en formation et de ses éjectas. Si avant et pendant l’impact il a observé en permanence le même côté de l’astéroïde, après l’impact, LICIACube s’éloignera et dépassera Dimorphos afin d’avoir un autre point de vue, ce qui permettra d’avoir une idée beaucoup plus précise de sa forme.
Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 26/09/2022
La sonde Dart fonce sur l’astéroïde Didymos et sa lune Dimorphos pour le percuter cette nuit. La collision est prévue à 1 h 14 du matin, heure de Paris, à « seulement » 11 millions de kilomètres de la Terre, de sorte que l’événement est retransmis en direct. Dart devrait acquérir sa dernière image trois secondes avant l’impact, quand la sonde se trouvera à seulement 18 kilomètres de sa cible.
C’est une manœuvre inédite que s’apprête à réaliser la sonde Dart de la Nasa : percuter, entrer en collision volontairement avec Dimorphos, une petite lune en orbite autour de l’astéroïde Didymos. Si ce n’est pas la première fois qu’une sonde s’écrase contre un objet du Système solaireSystème solaire, jusqu’à présent il s’agissait de former un cratère afin d’étudier le sous-sol de la surface, voire récupérer des échantillons de la matière mise à nue : « C‘est la première fois que cela est fait pour dévier un astéroïde de sa trajectoire par impact », nous expliquait récemment Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur, responsable scientifique de Hera et coordinateur de la coopération Aida (Dart + Hera)
“C’est la première fois que cela est fait pour dévier un astéroïde de sa trajectoire par impact”
Bien que l’astéroïde ne représente aucune menace pour la Terre, cette mission testera la technologie qui pourrait être utilisée pour défendre notre Planète contre les risques potentiels d’astéroïdes ou de comètescomètes qui pourraient être détectés à l’avenir, fonçant droit sur nous.
La sonde Dart de la Nasa se prépare à percuter l’astéroïde binaire composé de Didymos et de sa lune Dimorphos. La collision est prévue mardi 27 septembre à 1 h 14 du matin. © Nasa
Depuis le lancement de Dart, l’équipe de navigation de la mission travaille à amener la sonde mais aussi le cubesat italien LiciaCube (déployé depuis Dart la première semaine de septembre), là où ils « doivent » se trouver 24 heures avant l’impact. En effet, depuis son lancement en novembre 2021, la sonde Dart vise l’astéroïde binairebinaire Didymos mais aussi un « carré virtuel » dans le ciel de 15 kilomètres.
Objectifs remplis ! 24 heures avant l’impact, les deux satellites sont en bonne position, ce qui n’était tout de même pas simple. On parle d’un astéroïde situé à quelque 11 millions de kilomètres de la Terre et mesurant seulement 160 mètres de diamètre qui ne dispose pas de phare sur sa surface pour guider la sonde !
Quatre heures avant l’impact, l’IA de Dart prend le contrôle de la sonde
Quatre heures avant l’impact, le logiciellogiciel de navigation Smart Nav (Small-body Maneuvering Autonomous Real Time Navigation) de la sonde, doté d’une Intelligence artificielleIntelligence artificielle sera mis en route. « Il prendra le relais des contrôleurs au sol » et maintiendra la sonde sur « une trajectoire de collision » à l’aide de son IA qui repose sur le machine learning (apprentissage automatique). Concrètement, la trajectoire de la sonde sera adaptée « au fur et à mesure que les images reçues détailleront de mieux en mieux la forme de l’astéroïde qui, rappelons-le, est très petit (160 mètres) ».
Pour guider la sonde, cette IA prendra des repères sur l’astéroïde dans des laps de temps très courts et à très grande vitessevitesse, ce qui lui « permettra de contrôler la position de la sonde par rapport à l’astéroïde en permanence ». Ces opérations d’apprentissage automatique seront d’une très grande complexité car « nous n’avons aucune idée de la forme de Dimorphos qui peut être allongée ou sphérique », conclut Patrick Michel, présent dans le laboratoire où se trouve le centre de contrôle de la mission.
Quant au cubesat LiciaCube, qui fournira des images des premiers instants après l’impact, s’il doit se situer aux premières loges pour assister à la collision, il ne doit évidemment pas se positionner n’importe où autour de Dimorphos. L’Agence spatiale italienne et les équipes de Dart travaillent à positionner LiciaCube à une distance de sécurité suffisante pour éviter tout risque de collision avec les éjectas du cratère que formera Dart au moment de la collision. Les manœuvres en cours ont pour but d’amener le cubesat dans un rayon de 40 à 80 km autour de Dimorphos seulement deux à trois minutes après l’impact de Dart. Ces distances de sécurité sont suffisamment proches pour obtenir de bonnes images de l’impact et du panache d’éjection.
Bien qu’elles ne soient pas nécessaires au succès de mission Dart, les images pré- et post-impact fournies par les deux caméras à bord de LiciaCube, Leia (LiciaCube Explorer Imaging for Asteroid) et Luke (LiciaCube Unit Key Explorer) pourraient bénéficier à la communauté scientifique pour les études d’objets proches de la Terre et aider à l’interprétation des données.
Hera, le satellite de l’ESA, absent de ce rendez-vous historique
Seule déception, mais quelle déception !, l’absence du satellite Hera qui aurait dû, lui aussi, se trouver aux premières loges ! Par frilosité et faute d’ambitions dans les décisions politiques qui ont jalonné ce programme, Hera sera lancé seulement en octobre 2024 par Ariane 6Ariane 6 et rejoindra Didymos fin décembre 2026. Certes, cette arrivée tardive est « sans conséquence sur les mesures que l’on souhaite réaliser », souligne Patrick Michel qui se veut rassurant mais, tout de même « quelle occasion ratée ».
C’est d’autant plus triste que l’Agence spatiale européenne est à l’origine de la mission Dart, avec le concept de mission Don Quichotte (2004) qui donna naissance en 2011 aux mission Hera et Dart rassemblées dans la coopération Aida. Il est triste donc que la Nasa tire tous les profits auprès du grand public de ce formidable projet pourtant mené en coopération et qui aurait pu donner lieu à un message magnifique adressé par les deux agences depuis Dimorphos.
Nous aurions tant à dire sur les problèmes de l’ESA, mais ces problèmes ne sont pas le propos ici. Concentrons-nous sur le positif. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Article de Rémy Decourt publié le 15/09/2022
La sonde Dart fonce en ce moment sur l’astéroïde Didymos et sa lune Dimorphos qu’elle percutera pour démontrer qu’il est possible de dévier un astéroïde de sa trajectoire par un impact à sa surface. Le cubesat italien LiciaCube qui se positionnera à proximité de Dimorphos pour observer la collision s’est séparé de Dart il y a quelques jours. Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur, responsable scientifique de Hera et coordinateur de la coopération Aida (Dart + Hera), nous explique le scénario de la collision et ses attentes concernant le retour scientifique.
À quelques jours de la collision entre la sonde Dart de la Nasa avec l’astéroïde binaire composé de Didymos (780 mètres) et de sa lune Dimorphos (160 mètres), Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur, responsable scientifique de Hera et coordinateur de la coopération Aida (Dart + Hera), nous explique les derniers instants de Dart dont l’objectif est « d’aller percuter Dimorphos à 6 km/s, afin de modifier de façon infime sa trajectoire autour de Didymos ».
L’impact est prévu dans la nuit du 26 au 27 septembre à environ 01 h 14, heure française. Il faut souligner que le choix de Dimorphos s’est fait sur des considérations scientifiques mais aussi « parce qu’il ne présente aucun risque pour la Terre, quelles que soient les conséquences de l’impact ». Dit autrement, Dart ne pourra pas « malencontreusement diriger Dimorphos sur une trajectoire de collision avec la Terre » !
La semaine dernière, Dart a déployé le cubesat italien LiciaCube, qui « fournira des images des premiers instants après l’impact ». Il sera positionné à proximité de Dimorphos de façon à observer la collision en sécurité. Si avant et pendant l’impact, il observera en permanence le même côté de l’astéroïde, après l’impact, LiciaCube s’éloignera et dépassera Dimorphos afin d’avoir un autre point de vue, ce qui permettra d’avoir une idée beaucoup plus précise de sa forme.
La caméra Draco à bord de Dart retransmettra de nombreuses images avant la collision. Elle devrait acquérir sa dernière image « trois secondes avant l’impact, quand la sonde se trouvera à seulement 18 kilomètres de sa cible ». Rappelez-vous, la collision se fera à la vitesse de 6 km/s ! L’équipe s’attend à des images avec une « résolution d’une dizaine de centimètres par pixelpixel, ce qui est suffisant pour discerner des objets de seulement 30 centimètres ». Par contre, le champ de vision sera très réduit. Pour limiter la taille des images, ces dernières seront en noir et blanc, au contraire des images LiciaCube qui seront en couleurcouleur.
Une intelligence artificielle pour cibler Dimorphos
Ce n’est seulement qu’une heure avant l’impact que Dimorphos sera correctement vu et dont la forme se révélera. À partir de cet instant, le logiciel de navigation – doté d’une intelligence artificielle et mis en route quatre heures avant l’impact – prendra le relais des contrôleurs au sol. Il maintiendra la sonde sur « une trajectoire de collision » à l’aide de son IA qui repose sur le machine learning (apprentissage automatique). Concrètement, la trajectoire de la sonde sera adaptée « au fur et à mesure que les images reçues détailleront de mieux en mieux la forme de l’astéroïde qui, rappelons-le, est très petit (160 mètres) ». Pour guider la sonde, cette IA prendra des repères sur l’astéroïde dans des laps de temps très courts et à très grande vitesse, ce qui lui « permettra de contrôler la position de la sonde par rapport à l’astéroïde en permanence ». Ces opérations d’apprentissage automatique seront d’une très grande complexité car « nous n’avons aucune idée de la forme de Dimorphos qui peut être allongée ou sphérique ».
De cet astéroïde, on connaît seulement sa taille. Cela complexifie toutes les manœuvres car la sonde va « devoir se représenter la forme de l’endroit où elle va entrer en collision ».
Présentation de la mission Hera, par Patrick Michel. © ESA
D’après des études, financées par l’Union européenne, « on suppose que la collision devrait former un cratère d’une dizaine de mètres de diamètre, voire déformer la structure de Dimorphos ». Comme nous sommes dans un environnement de très « faible gravitégravité, tout ce processus va se faire très lentement », nous n’aurons pas d’informations sur la taille et la profondeur du cratère. Du moins dans l’immédiat.
Sur Terre, quelques jours après l’impact, une campagne mondiale d’observation de Dimorphos débutera. Elle aura « pour but de mesurer la différence de période orbitalepériode orbitale de Dimorphos autour de Didymos avant et après l’impact », le système binairesystème binaire ne sera qu’à 11 millions de kilomètres de la Terre au moment de l’impact. Dans l’espace, les télescopes HubbleHubble et James-Webb seront également utilisés pour l’observer. Avant l’impact, la période de rotationpériode de rotation de l’astéroïde est de près de 12 heures. « On s’attend que la collision perturbe cette rotation d’au minimum 73 secondes mais, selon la quantité d’éjectas émis, ça peut être beaucoup plus. » Une perturbation de quelques dizaines de seconde peut apparaître dérisoire mais, en raison des distances en jeu, s’il est effectué suffisamment à l’avance, le changement d’orbite de quelques millimètres peut « faire la différence entre une planète percutée ou seulement survolée à bonne distance par un astéroïde ». Cela dit, « comme d’habitude avec les petits corps, je m’attends à être surpris. Leur réponse à une sollicitation externe est contre-intuitive ».
“Comme d’habitude avec les petits corps, je m’attends à être surpris. Leur réponse à une sollicitation externe est contre-intuitive”
Cela dit, perturber la trajectoire de l’astéroïde « ne sera pas suffisant pour en tirer des conclusions pour nos modèles ». Pour comprendre les caractéristiques de l’impact que sont la taille, la profondeur et la quantité de matière éjectée, il faut connaître les « propriétés structurelles de l’astéroïde qui pourrait être en agrégats ou compact et solidesolide », mais aussi « la nature du terrain percuté qui peut être sablonneux, rocailleux ou parsemé de cailloux et encore sa structure ».
Un satellite européen pour documenter précisément l’impact
Et ça, c’est le rôle du satellite Hera de l’Agence spatiale européenne qui sera lancé en octobre 2024 par Ariane 6 et rejoindra Didymos fin décembre 2026, quatre ans après l’impact de Dart. Cette arrivée tardive est « sans conséquence sur les mesures que l’on souhaite réaliser ». En effet, les propriétés que Hera doit mesurer « n’auront pas le temps de se modifier durant quatre années ». La taille du cratère formé « qui nous fournira des informations cruciales sur les propriétés mécaniques et la composition de sous-surface de l’astéroïde », ainsi que la « modification de l’orbite de Dimorphos autour du corps principal » seront bien celles consécutives à l’impact de Dart.
Tout l’intérêt de la mission Hera est de « mesurer le résultat de l’impact, c’est-à-dire la quantité de mouvementsquantité de mouvements réellement transférée à Dimorphos lors de l’impact et l’endommagement subi sur la surface ». L’ensemble de ses données permettra de « vérifier la pertinence de la technique de l’impacteurimpacteur cinétique, sa maturité, et de valider les simulations numériquessimulations numériques d’impact à l’échelle d’un astéroïde ». C’est aussi la « première fois que nous aurons des informations sur la structure interne d’un astéroïde ».
Article de Rémy Decourt publié le 13/09/2022
Tous les voyants sont au vert pour la sonde Dart qui fonce en ce moment sur l’astéroïde Didymos et sa lune Dimorphos. Cette mission inédite vise à démontrer qu’il est possible de dévier un astéroïde de sa trajectoire par un impact à sa surface. Explications.
Lancée en novembre 2021, la sonde Dart de la Nasa se prépare à percuter l’astéroïde binaire composé de Didymos et de sa lune Dimorphos, dans la nuit du 26 au 27 septembre 2021. L’objectif de Dart est d’aller percuter Dimorphos à 6 km/s, afin de modifier de façon infime sa trajectoire autour de Didymos, et ce à des fins de défense planétaire. Nous aurons l’occasion d’en parler plus en détail d’ici quelques jours avec Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur, responsable scientifique de Hera et coordinateur de la coopération Aida (Dart + Hera).
En attendant, la Nasa vient de rendre publique une « image composite » de la lumièrelumière de l’astéroïde binaire Didymos, alors situé à quelque 20 millions de kilomètres de la sonde. Cette image a été acquise par la caméra Draco le 27 juillet dernier. Cette première série de 243 images n’a aucun intérêt scientifique. Elle est simplement utilisée pour localiser Didymos afin d’effectuer les ajustements nécessaires avant que l’équipe de la mission ne commence à utiliser les images pour guider l’engin spatial vers l’astéroïde de manière autonome.
Une mission inédite de déviation d’un astéroïde
Si, pour le moment, la sonde est pilotée depuis le sol, elle deviendra autonome, c’est-à-dire sans intervention humaine, quelques heures avant son impact contre Dimorphos. D’ou la nécessité de s’assurer du bon fonctionnement de cette caméra qui sera utilisée pour guider la sonde vers son objectif.
À l’aide d’observations prises toutes les cinq heures, l’équipe de la Dart exécutera trois manœuvres de correction de trajectoire au cours des trois prochaines semaines, chacune d’entre elles réduisant davantage la marge d’erreur pour la trajectoire requise de l’engin spatial jusqu’à l’impact.
Après la dernière manœuvre, le 25 septembre, environ 24 heures avant l’impact, l’équipe de navigation connaîtra la position de la cible Dimorphos à 2 kilomètres près. À partir de là, la sonde Dart sera seule pour se guider de manière autonome jusqu’à sa collision avec l’astéroïde. L’objectif de la mission est de modifier de façon infime la trajectoire de Dimorphos autour de Didymos afin d’évaluer notre capacité à dévier la trajectoire d’un petit corps par un impact, étape importante pour démontrer qu’il est possible de protéger la Terre d’un astéroïde grâce à la technique de l’impacteur cinétique.