Google Stadia va fermer ses portes en janvier prochain. Pourtant, le service de cloud gaming avait tout pour ne pas finir comme d’autres projets ambitieux de l’entreprise qui, mal gérés, sont passés à la postérité pour de mauvaises raisons.
Stadia va bientôt rejoindre le paradis perdu des projets avortés de Google. Aux côtés des Google Glass, Google+, Google Duo et autres Google Lively qui étaient partis pour tout révolutionner. Mais, mal gérés, mal calibrés, ils sont tombés dans l’oubli.
Pourtant, sur le papier, Stadia avait tout pour réussir. Tout d’abord, parce que l’entreprise de Mountain View avait bien senti le sens du vent, celui du cloud gaming, du divertissement en ligne et le boom encore plus grand qu’allait provoquer la pandémie sur le jeu vidéo.
L’ex-promesse du futur du jeu vidéo
Lancé fin 2019 après une annonce en fanfare, le service de jeu totalement dématérialisé, porté par la puissance des serveurs Google, promettait monts et merveilles. L’entrée dans une nouvelle ère du jeu vidéo où une manette suffirait à profiter des titres les plus ambitieux sans avoir à se soucier de son matériel ni des mises à jour. Et ce grâce à un fonctionnement en streaming: grâce à une bonne connexion Internet, le joueur profite d’un jeu qui fonctionne sur un puissant ordinateur à distance, qui servira à un autre joueur à la fin de sa partie.
Le rêve absolu pour beaucoup de joueurs qui ne voulaient plus avoir à racheter de console dernière génération, à investir dans des PC gaming toujours plus gourmands financièrement et en ressources pour être à la pointe technologique et vidéoludique. Un an avant l’avènement des PS5 et autres Xbox Series S⎜X, tout le monde voulait croire à la facilité promise.
Un Chromecast 4K Ultra sur son téléviseur de quelques années, un simple smartphone d’entrée de gamme ou une tablette tactile, voire un vieux PC complètement dépassé: l’espoir de jouer en appuyant simplement sur un bouton, sans le moindre temps de téléchargement ou d’attente, en 4K avec une latente minime, rendait la nouveauté encore plus attrayante.
De plus, de nombreuses fonctions inexistantes sur les autres plateformes promettaient aussi de voir le jeu vidéo sous un nouveau jour, plus créatif avec State Share, pour permettre à un contact de rejouer une portion de son jeu, plus convivial aussi avec Crowd Play qui permet d’inviter un ami dans sa partie, ou encore Crowd Choice pour faire voter des spectateurs sur le déroulé du jeu.
Manque d’expérience
Cependant, l’affaire a rapidement tourné à la soupe à la grimace en interne comme en externe. Pour les joueurs, les nouveautés promises au lancement ont mis un temps infini à arriver. Le catalogue n’a jamais véritablement tenu ses promesses et finira bien loin des plus de 400 jeux annoncés. Cyberpunk 2077, lancement raté au demeurant sur consoles, avait offert sa meilleure expérience à Stadia. Et qu’en avait fait Google? Pas grand-chose. Une remise sur son pack, mais aucune fanfaronnade pour se gargariser de son service alors salué pour sa capacité à proposer la meilleure version du jeu le plus attendu de la fin 2020. Seul reste encore aujourd’hui la possible de jouer gratuitement à plusieurs dizaines de jeux (de 30 minutes à 2 heures en version d’essai) avec un simple compte Google.
Le pire restera la fermeture de ses propres studios dirigés par Jade Raymond sans que le moindre jeu ne voie le jour durant leur courte vie. Des studios qui auront été son chemin de croix et le signe le plus retentissant de son échec. À se croire trop beau dans un secteur où il n’avait aucune expérience, le géant de l’internet a connu l’un de ses plus beaux ratés, entraînant à sa suite tout le service.
Sur le papier, Stadia avait pourtant tous les atouts en main. Google n’a pas su profiter de la pandémie et du boom du jeu durant le confinement pour promouvoir son service, qui manquait certes de muscles face à un Xbox Game Pass ou aux exclusivités PlayStation, mais proposait une expérience différente. L’explosion de la connexion en fibre à domicile, élément indispensable pour le cloud gaming, était pourtant un soutien de choix, tout comme l’arrivée progressive de la 5G.
Des joueurs, mais pas assez d’exclusivités
Mais la plus grosse erreur de Google Stadia a sans doute été de se tromper de cible dès le départ. Fort de sa notoriété, Google a visé les joueurs les plus exigeants. Mais pour répondre aux attentes de ces hardcore gamers, une bibliothèque de jeux de haut vol est indispensable, dès leur sortie. Et sur ce point, Google a largement pêché, malgré quelques jolis coups (FIFA, Assassin’s Creed Valhalla, Outriders, Avengers, etc.).
Pour un Baldur’s Gate 3 ou un Orcs must die ! 3 inédits, les joueurs ont plutôt obtenu le sympathique Pac-Man Tunnel Battle, Gylt ou Super Bomberman R. À l’heure où Xbox et PlayStation multiplient les exclusivités, Stadia n’a pas su tenir la comparaison longtemps, récupérant trop de jeux tardivement pour faire rester les joueurs les plus assidus.
Malgré un amour indéfectible de fans du service devenus trop peu nombreux au fil du temps, Google a donc décidé de siffler la fin du match et de rembourser les joueurs pour leur investissement depuis deux ans. Sans même que les principaux intéressés, les développeurs de jeux comme les employés de Stadia, ne soient prévenus en amont. Plusieurs d’entre eux se sont épanchés sur les réseaux sociaux pour partager leur désarroi de voir parfois des années de travail réduites en lambeaux à quelques jours de la sortie de leur jeu sur le service de cloud gaming.
Un sursaut en marque blanche?
Que restera-t-il de Google Stadia? Un sentiment de gâchis pour une idée lumineuse. Trop en avance sur son temps ou simple méconnaissance des codes du milieu, le premier essai de Stadia dans le jeu vidéo se termine en flop. L’avenir dira si ce n’était qu’une question de mauvaises personnes aux mauvais postes ou si toute la conception du projet était bancale, Stadia réussissant le triste exploit de ne pas être viable à l’heure du jeu dématérialisé, du cloud gaming et de la croissance du divertissement.
Stadia pourrait ne pas fermer totalement ses portes, même si l’entreprise est entrée dans une période de restrictions financières. Car la technologie est là et il serait bien dommage pour Google de tirer un trait définitif dessus, à l’heure où le milieu ne jure plus que par le streaming et le cloud gaming.
Le service PlayStation Plus de Sony a d’ailleurs laissé apparaître une mention de Google Stadia pour certains jeux proposés en streaming aux abonnés du forfait Premium. La société n’a jamais caché qu’elle pourrait proposer ses services en marque blanche à d’ex-partenaires voulant profiter de la puissance de serveurs pour leurs futurs jeux en cloud gaming. Google promettait le futur du jeu vidéo sans consoles. Ce sera surtout sans lui en première ligne.