Lamya Essemlali n’est pas du genre à renoncer. Quand la présidente de Sea Shepherd France, l’association de défense de la biodiversité marine, débarque, le 19 septembre, sur la plage de Ty an Quer, à Ploéven, près de Douarnenez (Finistère), où vient de s’échouer un rorqual, on lui fait comprendre qu’elle n’est pas franchement la bienvenue. Autour de la grande masse noire de 19 mètres, un cordon de sécurité filtre le personnel du parc naturel marin de l’Iroise et l’observatoire des mammifères et oiseaux marins Pelagis. « Seules les personnes formées par le Pelagis peuvent intervenir », explique Will Davin, ingénieur au Pelagis.
Peu importe. Lamya Essemlali ne s’arrête pas à cette interdiction : elle envoie un SMS au secrétaire d’Etat chargé de la mer, Hervé Berville. Et obtient l’autorisation de s’approcher du cétacé. Elle part chercher des draps chez les habitants des alentours pour l’emmailloter et le protéger du soleil. Des bénévoles creusent un fossé autour de lui pour le soulager de son poids. Lamya Essemlali compte les respirations de l’animal, surveille son odeur, son évent pour s’assurer qu’il puisse survivre. Une sympathisante trouve une tractopelle pour creuser un chenal jusqu’à la mer. La marée monte. « On donnait des impulsions pour le faire bouger et d’un coup il a commencé à se battre. Il avait envie de vivre », raconte-t-elle, par visio, de Douarnenez.
Pour Elodie Pouet, une bénévole engagée auprès de l’association depuis 2006, ce sauvetage résume parfaitement Lamya Essemlali : « Elle rend l’impossible possible malgré nos moyens limités. » Mais, une semaine après, un rorqual, très certainement le même, est retrouvé mort sur l’île Tristan, en fond de baie de Douarnenez. « Si c’était à refaire, on ferait exactement la même chose », confirme Lamya Essemlali.
Immersion politique
Avec 3 millions d’euros de budget, trois salariés et 200 bénévoles, Sea Shepherd n’a pas l’envergure de grosses structures comme Greenpeace, qui affiche des moyens dix fois plus importants. Alors sa présidente se démultiplie. A Mayotte, elle empêche les braconniers de capturer des tortues marines ; en Bretagne ou dans le golfe de Gascogne, elle surveille des pécheurs qui ne déclareraient pas les captures de dauphins. Et, lorsqu’un beluga se perd dans la Seine, elle reste éveillée trente-six heures pour tenter en vain de l’emmener vers le large.
« Je vois un corollaire entre racisme et spécisme. On se dit que la souffrance de celui qui est différent de nous vaut moins que la nôtre. » Lamya Essemlali
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