Parce qu’il a limité la hausse des prix de l’énergie et donc de l’inflation, le « bouclier tarifaire » fait l’orgueil du ministre de l’économie, Bruno Le Maire.
Il faut dire que ses effets sont spectaculaires : certes en forte hausse, l’inflation en France demeure aujourd’hui sensiblement plus faible que chez nos voisins. Mesurée sur un an et sur une base harmonisée, elle a été en août de 6,6 % dans l’Hexagone contre 9,1 % dans l’ensemble de la zone euro, à peine moins en Allemagne et jusqu’à 25,2 % en Estonie.
Cet écart n’est pas entièrement dû à la politique du gouvernement (l’énergie, et en particulier le gaz, pèse plus lourd dans l’indice des prix en Estonie), mais celle-ci y concourt largement. L’Insee a calculé que sans le bouclier tarifaire l’inflation aurait été de 3,1 points plus élevée.
L’objectif premier du bouclier est social : il s’agit de protéger le pouvoir d’achat des ménages à faible revenu. Mais il est aussi économique, et Bercy ne fait pas mystère de sa volonté d’engranger des gains de compétitivité durables. L’occasion est belle : mettre à profit le choc pour dévaluer le taux de change réel vis-à-vis de nos partenaires.
Il y a dix ans tout juste, le rapport Gallois sommait le gouvernement d’abaisser les cotisations sociales pour gagner en compétitivité. On se rappelle la suite : CICE [crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi] et pacte de responsabilité signaient bientôt la conversion de François Hollande à l’économie de l’offre. Ils opéraient ainsi un transfert massif vers les entreprises, dont les conséquences politiques allaient être terribles pour la gauche.
Ratisser large
Avec le bouclier tarifaire, le gouvernement a choisi de ne pas cibler les ménages à bas revenu. S’il avait opté pour des transferts ciblés, il aurait payé sensiblement moins cher, mais deux fois : au coût des mesures de soutien direct se seraient ajoutées la hausse des minima sociaux, dont la valeur est indexée sur les prix, et celle des allégements de cotisation, dont le champ est indexé sur le smic. Mais surtout, il aurait laissé se développer une spirale inflationniste. D’où le choix de ratisser large, même si le coût direct de la mesure (au moins 48 milliards d’euros en brut pour 2023, près de 20 milliards en net) est élevé.
L’alternative aurait pu être une tarification duale, qui donne à tous les ménages accès à un même quantum d’énergie à prix subventionné. C’est vers cette formule que s’oriente l’Allemagne. Comme le bouclier, un tarif dual a l’avantage de pouvoir être pris en compte dans le calcul de l’indice des prix et donc n’alimente pas la spirale prix-salaires.
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