C’est la première fois que les deux célèbres télescopes spatiaux ont été utilisés pour observer simultanément le même objet céleste : un astéroïde situé à 11 millions de kilomètres de la Terre, cible du premier test de défense planétaire au monde. Les télescopes James-Webb et Hubble, les plus puissants observatoires spatiaux, ont révélé jeudi 29 octobre les vues détaillées de l’impact du vaisseau Dart de la Nasa sur un astéroïde, images qui aideront les scientifiques à comprendre le processus attendu de modification de l’orbite.
Lundi soir, le vaisseau DART de la Nasa s’est délibérément écrasé à la surface de Dimorphos, petite lune de 160 mètres de diamètres tournant autour d’un astéroïde plus gros, dans le but de dévier son orbite.
Il faudra attendre entre quelques jours et quelques semaines avant que les scientifiques puissent confirmer que sa trajectoire a bien été altérée. Et arriver à le localiser par rapport à sa position d’origine.
Mais rapidement après la collision, de premières images – prises par des télescopes au sol et le nano-satellite embarqué LICIACube – ont montré un vaste nuage de poussière autour de Dimorphos, s’étendant sur des milliers de kilomètres.
Un nuage sur lequel les télescopes James-Webb et Hubble, opérant dans l’espace, ont pu « zoomer plus finement », a dit à l’AFP Alan Fitzsimmons, astronome à la Queen’s University de Belfast, impliqué dans les observations au sol du projet ATLAS, un réseau de quatre télescopes opéré depuis Hawaï. Ces images permettent de voir « clairement comment ce matériau vole en éclats après l’impact explosif de Dart, c’est assez spectaculaire », se félicite-t-il.
Un noyau compact entouré de « panaches de matériaux »
« L’impact paraît beaucoup plus important que prévu », commente de son côté Ian Carnelli, responsable de la mission européenne Hera qui ira inspecter les dégâts à la surface de Dimorphos dans quatre ans.
Hera avait tablé sur un cratère d’environ 10 mètres de diamètre, mais au vu des images prises par LICIACube à 50 km de l’astre, confirmées par celles des télescopes spatiaux, il pourrait être bien plus grand… « si cratère il y a, car peut-être qu’un morceau entier de Dimorphos a tout simplement été arraché ».
La caméra NIRCam du James Webb, travaillant dans le proche infrarouge, a observé l’impact sur plusieurs heures après la collision. Ses dix images révèlent un noyau compact entouré de « panaches de matériaux » semblables à des filaments en expansion, « s’éloignant du centre de l’endroit où l’impact a eu lieu », décrit un communiqué commun de l’agence spatiale européenne (ESA), Webb et Hubble.
Les images du télescope Hubble, prises par une caméra grand angle 22 minutes, 5 heures et 8 heures après le crash, montrent en lumière visible le mouvement des éjectas, c’est-à-dire la matière arrachée à l’astre.
Ces derniers apparaissent sous forme de rayons, avec une augmentation progressive de la luminosité, mais qui s’est stabilisée huit heures après l’impact, ce qui « intrigue les astronomes », selon le communiqué.
L’importance de la quantité de matière éjectée
Le télescope James Webb, qui mène ses observations à 1,5 million de kilomètres de la Terre depuis juillet dernier, et Hubble, en service depuis plus de 30 ans, révéleront prochainement quelle quantité de matière a été éjectée, sa nature (de gros morceaux ou de la fine poussière ?) et à quelle vitesse.
Ces informations aideront les scientifiques à « comprendre l’efficacité avec laquelle un impact cinétique peut modifier l’orbite d’un astéroïde », selon le communiqué. La technique à impact cinétique expérimentée par la Nasa consiste à percuter un astéroïde afin de le « pousser » légèrement, et ainsi dévier sa trajectoire. Un peu comme si l’on jouait au billard dans l’espace.
Plus il y a de matière éjectée, plus la trajectoire a une chance d’être altérée. « La rapidité avec laquelle les astronomes vont pouvoir mesurer la déviation va dépendre de l’efficacité de Dart », souligne Alan Fitzsimmons.