La science, disait le climatologue Stephen Schneider (décédé en 2010) est « un sport de contact ». La formule sied aussi bien à la recherche sur le réchauffement climatique qu’à celle sur les conséquences à long terme du Covid. En témoigne la tempête qui a accueilli, en novembre 2021, la publication de travaux français dans la revue JAMA Internal Medicine, interrogeant le lien entre le tableau clinique habituel du Covid long – douleurs musculaires et/ou articulaires, fatigue, difficultés à l’effort, troubles cognitifs, etc. – et l’infection par le SARS-CoV-2. Un an plus tard, la tension accumulée autour de ces travaux, dans la communauté des cliniciens et des chercheurs en sciences biomédicales, n’est toujours pas complètement retombée.
Coordonnée par Cédric Lemogne (AP-HP, Inserm, université Paris Cité), chef du service de psychiatrie de l’adulte à l’Hôtel-Dieu, l’étude se fondait sur plus de 20 000 membres de la cohorte épidémiologique Constances ; elle cherchait à déterminer si la conviction d’avoir été infecté par le nouveau coronavirus était associée à l’apparition de symptômes persistants, indépendamment ou non d’une infection au SARS-CoV-2, objectivée par un test sérologique ou un diagnostic médical.
Sans invalider le fait que certaines personnes puissent souffrir d’un syndrome post-Covid durable, l’analyse suggérait que, d’un point de vue statistique, la conviction d’avoir été infecté par le SARS-CoV-2 était liée aux symptômes du Covid long quelle que soit la probabilité d’avoir été bel et bien infecté. A l’inverse, le seul symptôme durable fortement associé à une infection probable par le nouveau coronavirus indépendamment de la conviction des personnes était l’anosmie, c’est-à-dire la perte de l’odorat.
Les auteurs concluaient prudemment : « Nos résultats suggèrent que de futures recherches sur les symptômes physiques persistants après une infection par le Covid-19 devraient également prendre en compte des mécanismes qui pourraient ne pas être spécifiques au SARS-CoV-2. D’un point de vue clinique, les patients devraient se voir proposer une évaluation médicale pour éviter que leurs symptômes ne soient attribués à tort au Covid-19 et identifier les mécanismes cognitifs et comportementaux qui peuvent être ciblés pour soulager les symptômes. »
« Considérer d’autres causes »
« Ces résultats ne remettaient en cause ni la réalité des symptômes déclarés ni la possibilité qu’ils soient la conséquence d’une infection par SARS-CoV-2, explique Cédric Lemogne. Notre conclusion était simplement d’appeler à considérer que d’autres causes puissent également être à l’origine de ce qui est aujourd’hui nommé Covid long. » La conviction d’avoir été infecté par le nouveau coronavirus pouvait, par exemple, provenir de symptômes aigus liés à une infection par un autre agent pathogène, ou de symptômes persistants d’une autre maladie. Cette conviction pouvait aussi avoir engendré des symptômes de somatisation liée au contexte singulier de la pandémie.
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