Les événements stressants comme une pandémie mondiale ne sont généralement pas sans conséquences psychologiques. Des chercheurs ont voulu savoir comment la pandémie de Covid-19 avait impacté certains traits de personnalité dans la population américaine.
Les évènements de la vie nous changent et participent à construire ce que nous devenons. Certains sont désirés, comme l’éducation, d’autres le sont moins comme les catastrophes naturelles. La pandémie de Covid-19 n’était certainement pas souhaitable mais elle a permis aux chercheurs en psychologie d’étudier comment un événement stressant d’une ampleur inédite a pu changer notre personnalité. Ils publient leur étude dans Public Library Of Science.
Qu’est-ce que la personnalité ?
Dans la recherche en psychologie, il existe un test relativement fiable – assez loin de ceux que l’on peut retrouver dans les magazines – pour cerner un individu sur certains traits de personnalité : le modèle à cinq facteurs ou Big Five. Il évalue le neurocitisme (la tendance à faire l’expérience d’émotion négative et de vulnérabilité face au stress), l’extraversion (la tendance à aller vers les gens et à socialiser), l’ouverture (la tendance à être créatif et peu conventionnel), l’honnêteté (la tendance à être digne de confiance et franc) et la rigueur (la tendance à être organisé, discipliné, responsable et consciencieux). Ces traits sont généralement stables à travers le temps mais peuvent varier en fonction de l’environnement, notamment des évènements stressants comme la pandémie de Covid-19.
Les recherches antérieures
Dans la littérature sur le changement de personnalité, il est admis que les événements traumatisants au niveau individuel changent la personnalité, particulièrement le névrosisme qui augmente. En revanche, lorsque de tels événements traumatisants touchent une communauté, peu de changements semblent avoir lieu. On observe cela avec les catastrophes naturelles dans plusieurs études où la survenue d’un désastre n’est pas associée à des changements de personnalité chez les individus. Néanmoins, la pandémie de Covid-19 a été un événement stressant d’une ampleur inédite et on peut s’attendre à ce que les conséquences sur le changement de personnalité soient aussi inédites. Deux études antérieures ont déjà relevé des résultats inattendus : le névrosisme semble avoir diminué pendant la pandémie alors que les prédictions théoriques prévoyaient plutôt son augmentation.
Avant, pendant et après la pandémie
L’étude a été réalisée sur la population américaine en comparant des données sur la personnalité avant la pandémie (2014-2019) pendant la phase aiguë de la pandémie (2020) et la période qui a suivi cette phase (2021-2022). Les auteurs voulaient également savoir si des facteurs comme l’âge, le genre ou encore l’ethnie avaient un impact sur le changement de personnalité. Pour que ce dernier soit jugé significatif, il devait être égal ou supérieur à 1/10 de l’écart type, car nous changeons de personnalité approximativement d’1/10 d’un écart type tous les 10 ans sans qu’aucun facteur autre que le temps ne soit en cause).
L’étude retrouve les mêmes résultats que les études précédentes : une baisse du neurocitisme pendant la phase aiguë de la pandémie par rapport au niveau d’avant cette dernière et un retour à la normale juste après. Les autres traits n’ont pas connu d’évolution significative. Les catégories de la population où les changements ont été les plus prégnants sont les adolescents où la personnalité n’est pas encore stable et les personnes d’origine hispanique. Les auteurs font l’hypothèse que la pandémie a été plus stressante pour les minorités ethniques (tant d’un point de vue du risque sanitaire qu’économique et que cela explique ces résultats. Pourtant, les résultats sont assez hétérogènes selon la minorité ethnique étudiée. Par exemple, les populations afro-américaines ne semblent pas avoir subi plus de changements de personnalité que les caucasiens.
Comment expliquer ces résultats ?
Même si l’étude est exploratoire car aucune hypothèse n’avait été préalablement enregistrée par les investigateurs, c’est la troisième qui va à l’encontre des prédictions théoriques. Une des pistes pour rendre compte de cela est la cohésion sociale qui a eu lieu pendant la pandémie et qui aurait supporté la stabilité des traits de personnalité malgré la peur et l’anxiété qui étaient présentes. Cela peut aussi expliquer le retour à la normale car la cohésion sociale est revenue progressivement à son niveau d’avant la pandémie.