L’ouragan Ian restera dans l’histoire des États-Unis et de la météorologie, comme l’un des phénomènes cycloniques les plus dévastateurs. Il s’agissait tout simplement du pire scénario possible pour la Floride qui n’avait pas connu une catastrophe naturelle de cette ampleur depuis presque 100 ans : explications et témoignage.
Chaque année, 10 à 20 phénomènes cycloniques se forment dans l’Atlantique Nord : parmi ceux-là, 5 à 10 atteignent le stade d’ouraganouragan. La Floride est en moyenne touchée une fois tous les trois ans par une tempête tropicale ou un ouragan. Depuis le début des relevés de 1851, environ 120 ouragans ont frappé les côtes de la Floride.
C’est désormais certain, l’ouragan Ian est la plus grande catastrophe naturelle survenue en Floride depuis près d’un siècle avec au moins 100 morts et 47 milliards de dollars de dégâts estimés par les compagnies d’assurance. Le gouverneur de l’État a qualifié les zones dévastées de ground zero de la Floride, en référence aux dégâts invraisemblables des attentats de septembre 2001 à New York. Entre le 23 septembre et le 2 octobre, l’ouragan Ian a rencontré toutes les conditions idéales pour devenir une « super catastrophe ».
Un contexte météo explosif aux abords des États-Unis
Ian s’est développé de manière assez classique, comme une simple perturbation, dans le sud-est des Caraïbes. Il s’est ensuite rapidement intensifié en approchant l’ouest de Cuba et est passé d’une dépression tropicale à un ouragan de catégorie 3 en l’espace de trois jours. Il a touché Cuba le 27 septembre avec des ventsvents à 205 km/h avant de se diriger vers la Floride. Il s’est alors engouffré dans le golfe du Mexique avec le pire scénario possible imaginé par les météorologuesmétéorologues :
- un renforcement explosif à son arrivée en Floride grâce à une eau chaude sur les côtes (30 à 32 °C, soit 2 à 3 °C au-dessus des moyennes de saison), probablement liée au réchauffement climatiqueréchauffement climatique et à des conditions très calmes dans l’atmosphère qui lui permettent de s’étendre en hauteur et en largeur ;
- la présence de la maréemarée montante pile au moment de son impact sur l’ouest de la Floride, aggravant le risque de submersionsubmersion du littoral ;
- une zone de hautes pressionspressions (anticycloneanticyclone) juste au nord de la Floride, freinant son avancée dans les terres en lui permettant de dévaster plus longtemps la zone d’impact ;
- un retour en mer à l’est de la Floride en s’affaiblissant en tempête tropicale, puis un second impact sur les terres de Caroline du Nord et du Sud : ce second passage sur les eaux chaudes lui a permis de s’intensifier à nouveau en ouragan de catégorie 1.
Autre caractéristique étonnante de Ian, son œil : celui-ci est généralement une zone de temps calme et ensoleillé au moment de son passage sur terre. Mais l’œilœil de l’ouragan Ian n’aura finalement été qu’une accalmie relative, avec toujours de la pluie et du vent, simplement moins forts que le reste.
Une zone de frappe particulièrement vulnérable
Dans la majorité des cas, les ouragans se « dégonflent » ou changent de trajectoire en s’approchant des côtes, raison qui explique pourquoi de nombreux habitants des zones en alerte refusent d’évacuer. Or, le 28 septembre, Ian a décidé de frapper l’une des zones les plus urbanisées de la Floride avec une intensité inédite : une arrivée en catégorie 4 avec des vents soufflant à 250 km/h. Certains relevés météo, moins officiels, le placent même en catégorie maximale 5 sur 5, avec des vents supérieurs à 255 km/h. Son impact sur terre lui a fait perdre de l’intensité quasiment instantanément, le faisant quand même souffler à plus de 200 km/h à Fort Myers.
C’est dans cette ville, la plus dévastée, que vit Carolyn Brooks, qui a survécu au passage de l’ouragan en se calfeutrant chez elle. Elle témoigne : « L’onde de tempête (la submersion des côtes) qui provenait de l’ouest a été épique. La direction des vents dans le murmur de l’œil a aspiré l’eau avec une force incroyable, en plus de la marée qui ramenait encore plus d’eau. Les autres ouragans que nous avons connus, Donna, Charley et Irma, n’ont pas frappé notre région aussi fort et aussi directement. L’ouragan Andrew, en 1992, est ce qu’il y a de plus similaire, il est arrivé en catégorie 5 mais il a frappé de l’autre côté de la Floride. De ce côté-là, ils ont eu Andrew, nous, à l’ouest, nous avons maintenant eu Ian ». Pour permettre à ses deux chevaux de survivre, cette habitante a décidé de les lâcher dehors avec ses coordonnées sur eux, juste avant l’arrivée de l’ouragan. L’écurie a été détruite et les animaux ont été retrouvés sains et saufs.
Située à 32 km de la mer, l’habitation de Carolyn Brooks a été inondée avec 60 cm d’eau, bien moins que les zones littorales. Près de la plage de Fort Myers, la submersion a atteint un record en pleine ville : 3,6 mètres.
« Les îles qui bordent la côte de Fort Myers sont construites à outrance. Tout le monde était très conscient de l’immense danger que représentait le fait de construire dans ces zones, mais ils ont décidé de le faire quand même car, jusqu’à l’ouragan Charley en 2004, nous n’avions pas connu d’ouragan vraiment destructeur pendant 60 ans. Nous avons quand même eu Irma en 2017, mais son impact ici n’a pas été assez fort pour les empêcher de continuer à construire. Ils n’ont pas voulu tenir compte du fait que ces îles sont ce qu’on appelle des “îles barrières”, elles ont un but : celui de faire barrage aux tempêtes. Si vous construisez des habitations là-bas, vous devez accepter le risque immense qui va avec », explique l’habitante.
Une partie des plages a définitivement disparu sous l’eau
Sur une partie de la Floride, les dégâts sont considérés comme définitifs, et cela pour deux raisons. Au niveau des habitations, une grande partie d’entre elles ne seront pas reconstruites. Des milliers de maisons et d’entreprises seront tout simplement abandonnées, la plupart des propriétaires n’ayant pas les moyens de payer une assurance très coûteuse dans cette zone à haut risque. Cela mènera à des centaines de mètres, voire des kilomètres de bâtiments détruits, laissés tels quels, comme cela est toujours le cas dans certaines zones du New Jersey après l’ouragan Sandy en 2012 et en Louisiane après l’ouragan Katrina en 2005.
Au niveau géologique, une partie des plages de Floride se sont purement écroulées, et ont disparu en mer. Le littoral de Floride a donc été modifié de manière définitive, comme le montrent les images filmées depuis les satellites.
Vidéo filmée depuis le satellite de Copernicus et montrant les plages écroulées dans l’eau après le passage de l’ouragan Ian en Floride. ©i ameztoy/Copernicus Sentinel2