in

Les grands impacts d’astéroïdes sur Terre laisseraient des traces sur la Lune



Au cours des derniers milliards d’années, la Lune et la Terre ont peut-être été frappées simultanément par des groupes de petits corps célestes accompagnant au moins un impact majeur, tel celui à l’origine de l’astroblème de Chicxulub. C’est ce que suggère une étude récente d’échantillons de sol lunaire ramenés sur Terre par la mission chinoise Chang’e 5.

La tectonique des plaques et l’érosion ont effacé bien des pages de l’histoire de notre Planète bleue. Certaines de ces pages concernent l’histoire du Système solaire, par exemple en rapport avec le bombardement des petits corps célestes, que ce soit des comètes ou des astéroïdes. On connaît toutefois quelques astroblèmes géants sur Terre, par exemple celui de Manicouagan au Québec qui est l’un des plus anciens cratères d’impact connus et aussi le plus grand cratère d’impact « visible » sur Terre. D’un diamètre d’environ cent kilomètres, les géologues lui attribuent un âge d’environ 213 à 215 millions d’années. Rappelons tout de suite qu’il s’est produit une dizaine de millions d’années avant l’extinction Trias-Jurassique et qu’il ne peut donc pas en être responsable.

Plus grand mais pas très significativement et en plus non visible depuis l’espace, on connaît bien sur l’astroblème de Chicxulub au Yucatán, astroblème dont on sait qu’il a joué un rôle majeur dans la grande crise biologique du Crétacé-Tertiaire il y a environ 66 millions d’années, crise marquée spectaculairement pas la disparition des dinosaures non aviens.

Notre satellite, la Lune, n’a pas les mêmes problèmes de mémoire, étant dépourvue de tectonique des plaques, d’un cycle de l’eau et d’une atmosphère avec des vents. On pouvait donc espérer y trouver des traces anciennes de l’histoire aussi bien du couple Terre-Lune que celle du Système solaire voire de la Galaxie sous formes diverses dans le régolithe lunaire.

Dans les grandes lignes, la théorie de la formation du Système solaire nous dit que les impacts de petits corps célestes sur Terre sont non seulement décroissants en fréquence mais aussi en taille des corps impacteurs. Ainsi, si la Terre a sans doute été frappée par une petite planète de la taille de Mars il y a plus de 4,4 milliards d’années, la célèbre Théia à l’origine de la Lune, un tel événement ne peut plus se produire depuis quelques milliards d’années, même si l’on doit s’occuper de se protéger d’impacts pouvant libérer des énergies bien supérieures à celle de la bombe d’Hiroshima (la Terre est régulièrement frappée chaque année par des impacts libérant une énergie comparable).

Un bombardement d’astéroïdes chaotique ?

Toutefois, la découverte du chaos en mécanique céleste et l’apparition du phénomène de migration planétaire dans l’histoire du Système solaire décrite par des simulations comme celles du Modèle de Nice laisse penser qu’il existe des moments où le bombardement peut devenir un peu plus intense. On peut penser également à l’occurrence de collisions entre de grands astéroïdes dans la Ceinture principale entre Mars et Jupiter, conduisant à l’envoi de plusieurs petits corps provenant par fragmentation de ces grands astéroïdes et qui vont ensuite foncer vers le Système solaire interne, et se comporter un peu comme une brusque pluie pour des planètes comme la Terre et la Lune.

De fait, une équipe de chercheurs menée par Alexander Nemchin, du Space Science and Technology Center (SSTC) de l’Université Curtin de l’État d’Australie-Occidentale, vient précisément d’apporter des éléments intéressants à l’appui de ce scénario dans un article publié en accès libre dans Science Advances.

Les chercheurs ont étudié une partie des échantillons de roches lunaires ramenés de la Lune grâce à la mission chinoise Chang’e 5 en 2020. Ils provenaient de la partie nord-ouest de l’Océan des Tempêtes, dans une zone majoritairement plate, située à environ 90 kilomètres au nord-est de la région du Mons Rümker.

Ces échantillons contenaient des sortes de perles de verre volcanique, c’est-à-dire des gouttes de roches fondues par l’énergie dégagée par un impact d’un petit corps céleste de taille conséquente et qui ont aussi été projetées au loin par l’énergie de l’impact avant de se refroidir. Sur Terre, il s’agirait d’exemples microscopiques de ce que l’on appelle des tectites, du terme allemand Tektit, forgé par le géologue autrichien Franz Eduard Suess à partir du grec τηκτός / tēktós qui signifie « fondus ».

Les méthodes de la cosmochimie permettent de dater ces perles et il a été mis en évidence plusieurs « vagues » de production au cours des deux derniers milliards d’années, vagues indiquant des pics dans le bombardement météoritique de la Lune sur un fond de décroissance exponentielle.

Remarquablement, certains de ces pics semblent corréler avec les âges de grands astroblèmes sur Terre comme justement celui de Chicxulub.

Voilà en effet ce qu’explique Alexander Nemchin dans un communiqué de l’Université Curtin : « Nous avons combiné un large éventail de techniques analytiques microscopiques, de modélisations numériques et d’enquêtes géologiques pour déterminer comment ces perles de verre microscopiques de la Lune se sont formées et quand. Nous avons découvert que certains des groupes d’âge des perles de verre lunaires coïncident précisément avec les âges de certains des plus grands événements de cratère d’impact terrestre, y compris le cratère d’impact Chicxulub responsable de l’extinction des dinosaures. L’étude a également révélé que de grands événements d’impact sur Terre tels que le cratère de Chicxulub il y a 66 millions d’années auraient pu être accompagnés d’un certain nombre d’impacts plus petits. Si cela est correct, cela suggère que les distributions âge-fréquence des impacts sur la Lune pourraient fournir des informations précieuses sur les impacts sur la Terre ou le Système solaire interne. »

Pour des raisons encore inconnues, il y aurait donc des périodes où les orbites régulières de petits corps du Système solaire se déstabilisent, ce qui les conduit à se diriger vers des orbites où ils peuvent heurter la Terre ou la Lune. Des augmentations similaires sont sans doute possibles à l’avenir, mais pour quand ?

 

What do you think?

Written by Stephanie

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

La Méditerranée est tellement chaude… qu’elle commence à émettre du CO2

Meta met en garde contre les applications piégées qui volent les mots de passe