En Norvège comme ailleurs, on a ses petits soucis. Le très sérieux quotidien Aftenposten se demande comment restaurer la crédibilité du prix Nobel de la paix, qui devait être attribué vendredi 7 octobre à Oslo, après tant de mauvais choix passés. Le sort de Frost inquiète aussi. Cette ourse polaire s’invite dans les cabanes de touristes de l’archipel du Svalbard, à l’extrême nord du pays. Faut-il l’euthanasier, comme pour Freya, la morse qui semait la perturbation dans le port d’Oslo ?
En revanche, le pays le plus septentrional d’Europe, baigné par l’océan Arctique, n’aura pas de problème de chauffage cet hiver. Ses barrages lui assurent une électricité abondante et propre, tandis que ses réserves de gaz et de pétrole, enfouies en mer du Nord, ont transformé ce royaume montagneux en émirat du grand froid. Il alimente en électricité ses voisins nordiques et est devenu, à la faveur de la guerre en Ukraine, le fournisseur de la moitié des besoins en gaz de l’Europe. A ce titre, il est la première cible des discussions qui se tenaient, vendredi 7 octobre, à Prague, entre les 27 pays de l’Union européenne sur le prix du gaz.
Même s’il n’est pas membre de l’Union, le pays a choisi son camp. Il vient de restreindre l’accès des navires de pêche russes à ses ports et a décidé de renforcer ses dépenses militaires, alors que sa frontière nord touche la région de Mourmansk, capitale de l’Arctique russe.
« Sceptique »
Il n’en reste pas moins que la Norvège est, avec le Qatar, le grand bénéficiaire de ce conflit. L’envolée des prix du gaz, couplée avec la nécessité pour l’Europe de pallier en urgence l’arrêt des fournitures russes, a gonflé ses caisses comme jamais. Sur le seul mois d’août, son excédent commercial a explosé à 20 milliards de dollars (20,3 milliards d’euros), soit 37 % de plus qu’en juillet, qui représentait une multiplication par quatre en un an.
Pris à la gorge, les Européens aimeraient bien qu’Oslo fasse un petit effort, soit volontairement par le biais de contrats à long terme avantageux, soit par la méthode plus expéditive de la fixation d’un prix maximal. C’est cela qui est sur la table des discussions du Conseil européen. Lors d’une discussion téléphonique, le 12 septembre, avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, le premier ministre, Jonas Gahr Store, s’était montré « sceptique ».
Il n’est pas le seul. L’Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark s’y opposent, au nom de la perturbation que cela pourrait créer sur les marchés, notamment vis-à-vis des autres fournisseurs non européens. Ce serait tout de même un progrès par rapport au chaos actuel, qui pose la question qui nous hante désormais : l’économie de marché est-elle toujours soluble dans l’économie de guerre ?