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« la vie a très sûrement existé, même si on n’en a pas la preuve »



Perseverance aurait découvert une grande quantité de molécules organiques dans l’un de ses échantillons prélevés sur le sol martien. C’est ce qu’annonçait la Nasa le 15 septembre. De quoi renouveler l’espoir d’y trouver des traces de vie extraterrestre… à moins que ? Futura est allé interroger Caroline Freissinet, astrochimiste au CNRS, pour en savoir plus.

Des roches contenant des molécules organiques ont été trouvées sur Mars, annonçait la Nasa le 15 septembre 2022. Et cette fois, la roche provient d’un site différent, où se trouvait un ancien delta de rivière. Un environnement plus favorable aux biosignatures, comparé aux autres sites où des molécules organiques avaient été trouvées. Serait-ce enfin la preuve de vie extraterrestre que l’on attend ? Peut-être. Mais c’est très peu probable, selon Caroline Freissinet, astrochimiste au CNRS, qui participe au programme Exomars 2020. Pour plusieurs raisons. D’abord, car comme elle l’explique « l’instrument Sherloc de PerseverancePerseverance n’est pas fait pour trouver de la matière organique, et encore moins pour détecter de potentielles biosignatures. » Ce dernier, bien qu’il reste le meilleur instrument dont dispose Perseverance pour caractériser les roches, utilise la spectroscopie Ramanspectroscopie Raman et celle de Fluorescence. « Mais les minérauxminéraux eux-mêmes sont fluorescents, et peuvent induire en erreur sur la quantité de matière organique trouvée », explique-t-elle.

Ainsi, pas de nouvelles de ces molécules organiques avant 2033, lors du retour de ces échantillons sur Terre. Mais le caractère extraordinaire de cette dernière découverte est aussi discutable car « sur le communiqué, il est écrit que c’est la roche la plus riche en organique jamais trouvée. Mais pas que la roche est réellement riche en organique !, ajoute C. Freissinet. Aucune publication scientifique ne s’ajoute au communiqué, ce qui nous laisse penser que la découverte n’est pas forcément révolutionnaire. » Car un élément essentiel passe parfois à la trappe : molécule organique ne signifie pas forcément preuve de vie ! Bien que leur présence indique un environnement favorable. « Leur définition est simple : une molécule organique contient du carbonecarbone et de l’hydrogènehydrogène. Le méthane (CH4), par exemple, est une molécule organique », rappelle la chercheuse.

Mais comment détecter une biosignature ? « par élimination 

Mais comment peut-on déterminer si oui ou non il y a de la vie ? La seule solution est de cumuler des indices. « On ne pourra jamais être sûrs à 100 % que l’on se trouve face à une forme de vie. Mais en multipliant les éléments indiquant que cela pourrait peut-être avoir été créé par la vie, on s’en approche. » Pour cela, plusieurs techniques permettent de caractériser des échantillons, notamment par la détection de traces chimiques particulières. Mais attention, ces dernières « pourraient tout aussi bien être fabriquées par des processus chimiques que par la vie. Le plus dur est de différencier ce qui a créé ces traces », avertit l’astrochimiste. Tout fonctionne donc par élimination : aucun processus abiotique ne doit pouvoir mener aux caractéristiques chimiques identifiées. Sinon, pas de biosignature possible.

« On peut, par exemple, regarder les distributions des molécules : si la formation est purement chimique, il y aura plus de molécules simples, avec peu d’atomes de carbone, que de molécules complexes. Tandis que pour la vie, le but est d’avoir des molécules fonctionnelles, peu importe leur complexité. On regarde aussi la symétrie, la chiralité (lorsqu’une molécule n’est pas superposable à son image dans un miroirmiroir — donc n’est pas symétrique) des molécules. Une même molécule peut exister sous forme “droite” et sous forme “gauche”. Mais dans la vie, un seul type subsiste, pour des questions d’équilibre. En regardant la distribution des types de molécules cela permet de savoir si elles ont été créées par des processus chimiques : dans ce cas on aura 50 % de chaque forme. » Mais attention, l’inverse ne veut à nouveau pas dire forcément preuve de vie !

Les rayons cosmiques dégradent les roches, et c’est un problème

Et plusieurs freins s’ajoutent encore pour la détection de biosignatures. « Pour cela, il y a deux échelles de temps, l’échelle martienne et le court terme », prévient-elle. Pour commencer, les rayons cosmiques. Ils ont dégradé le paysage martien depuis la disparition de son atmosphèreatmosphère. Ainsi tous les éléments potentiellement vivants ont depuis été stérilisés. Sauf s’ils étaient sous terre ! Car l’érosion creuse petit à petit la roche, et ramène à la surface des éléments qui se trouvaient autrefois en profondeur. Ces derniers ont été bien moins dégradés, et c’est ceux-là qui intéressent les chercheurs.

Viennent ensuite les risques sur le court terme. La plupart des échantillons collectés seront déposés dans des petites capsules en métalmétal, et déposés sur le sol martien en attendant le retour sur Terre. Or, le métal pourrait chauffer à des centaines de degrés durant ces 10 années qu’il reste, exposé sans protection atmosphérique aux rayons du SoleilSoleil. Jusqu’à potentiellement dégrader les roches, qui n’ont jamais subi de telles températures dans leur histoire. Heureusement, Perseverance est capable de stocker une petite partie des échantillons collectés dans son propre corps : le choix desquels sera effectué par l’équipe de la NasaNasa qui en est responsable.

Et si finalement on trouvait des biosignatures et qu’on les ramenait sur Terre ? « Il y a un risque de contaminationcontamination, et c’est pour cela que l’on appliquera les recommandations de la protection planétaire. » Comme elle l’explique, « elle fonctionne à double sens : on ne veut à la fois pas amener de vie terrienne sur Mars, ni de vie martienne sur Terre. » Pour cela, les échantillons seront analysés dans des laboratoires de haute sécurité, qui examineront s’il y a des traces de vie et si une décontamination est nécessaire !

La vie prospère très probablement ailleurs dans le Système solaire !

Actuellement, Caroline Freissinet travaille sur la mission ExoMars, qui a cette fois pour but la recherche de biosignatures sur le sol martien. Prévue initialement pour 2018, puis 2020, elle devrait finalement être lancée en 2028, en raison de la fin de la collaboration avec la Russie. Avec une capacité de creusement de deux mètres de profondeur, elle comprendra notamment un instrument dédié à la recherche de biosignatures : Moma. Ainsi, il ne ramènera pas les roches sur Terre, mais les analysera sur place. Grâce à de la chromatographiechromatographie couplée à de la spectrométrie de massespectrométrie de masse, il sera capable de détailler l’agencement des molécules, et la composition des roches.

Pour l’astrochimiste, que des biosignatures soient trouvées ou non, il y a bien de la vie extraterrestre ! « Là où la vie peut se développer, elle se développera. La Terre est devenue viable il y a 3,9 milliards d’années, et seulement 100 millions d’années plus tard, la vie était là ! Même si on ne sait pas encore expliquer comment, on sait que la vie se développe très vite, commente C. Freissinet. Pour Mars, c’est pareil. La vie a très sûrement existé, même si on n’en a pas la preuve. »

La même question se pose pour les autres planètes : des océans d’eau liquideliquide existent sur Europe, une lune de Jupiter, mais aussi sur EnceladeEncelade et Titan, des satellites de SaturneSaturne. La vie pourrait-elle y exister ? « Très certainement. Ces océans liquides se trouvent sous des couches de glace très épaisse. On pourrait très bien y trouver des microorganismesmicroorganismes tout autant que des poissonspoissons ou d’autres êtres vivants macroscopiques. » Mais pour en savoir plus, des missions in situ seront nécessaires. Cette fois, pas de recherches trop spécifiques, comme des recherches d’ADNADN, mais plutôt basées sur la distribution chimique au sein de ces océans.



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