Pierre angulaire de la politique antipollution de l’air du gouvernement, les zones à faibles émissions (ZFE) et leur déploiement contrarié illustrent l’inertie des pouvoirs publics face à une urgence de santé publique. Chaque année, l’exposition aux particules fines et au dioxyde d’azote (NO2) est à l’origine d’au moins 40 000 décès prématurés en France, et d’une litanie de pathologies (asthme, AVC, cancers du poumon…).
Et l’exécutif est sous la menace d’une nouvelle amende record de 20 millions d’euros de la part du Conseil d’Etat pour des dépassements répétés des valeurs limites en NO2 (émis principalement par le trafic routier) dans plusieurs agglomérations, dont Paris, Marseille et Lyon. Un article publié mardi 11 octobre dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, la revue scientifique de l’agence Santé publique France, rappelle les bénéfices sanitaires de la mise en œuvre d’une ZFE.
Des résultats liés au niveau de restriction
Menée par l’Observatoire régional de la santé d’Ile-de-France, cette étude prospective s’est intéressée à la catégorie de la population la plus sensible à la pollution, les enfants. Deux pathologies ont été étudiées : l’asthme et le faible poids à la naissance. Les résultats montrent qu’à l’échelle de l’agglomération parisienne, entre 50 et 170 naissances de faible poids pourraient être évitées chaque année (sur 3 850 nouveau-nés de faible poids par an), et entre 830 et 2 930 cas d’asthme (100 000 cas déclarés par an).
En outre, entre 190 et 700 recours aux urgences pour une crise d’asthme pourraient aussi être évités. Les bénéfices sont attendus quel que soit le scénario de ZFE mis en place, mais croissent selon le niveau de restriction de circulation et le périmètre d’extension : limitée à Paris et aux seuls diesels les plus anciens, ou élargie à l’autoroute A86 (près de 80 communes) et aux autres véhicules polluants. L’étude révèle par ailleurs que les populations résidant au-delà du périmètre de restriction bénéficieraient aussi d’une amélioration de leur santé.
La métropole du Grand Paris a cependant repoussé deux fois une étape importante : l’interdiction des véhicules classés Crit’Air 3 (les diesels de plus de 11 ans et les essences d’avant 2006), représentant environ 1,4 million de véhicules immatriculés en Ile-de-France, soit le double du nombre de véhicules interdits aujourd’hui (Crit’Air 4 et 5). La mesure devait entrer en vigueur le 1er juillet. Elle a été reportée d’un an, rendant très incertain l’objectif parisien de sortie du diesel pour les Jeux olympiques de 2024.