Situé entre les costières de Nîmes et la Camargue, le château d’Espeyran, légué avec tout son mobilier à l’Etat en 1963, abrite 5 500 objets d’époque, une collection de calèches ou encore une sellerie. Dans des kilomètres de rayons souterrains, il héberge également le Centre national du microfilm et de la numérisation (rattaché au service interministériel des archives de France).
Si le site gardois a toujours œuvré à faire vivre ce patrimoine culturel, depuis deux ans, il fait également parler de lui pour son engagement environnemental. Espeyran est le premier établissement appartenant au domaine privé de l’Etat à avoir signé, en mars, devant notaire, et pour une durée de cinquante ans, une convention d’« obligation réelle environnementale » (ORE) avec la direction régionale des affaires culturelles, le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) Occitanie et le Syndicat mixte de la Camargue gardoise.
« Ingénierie écologique »
Apparu en France en 2016 et encore mal connu du grand public, ce nouvel outil juridique vise à défendre la vocation écologique d’un espace. « Nous nous engageons à préserver le vivant autant que le patrimoine », se félicite le responsable du site, Henri-Luc Camplo. Aujourd’hui, à Espeyran, « le souci de l’environnement n’est pas accessoire, mais, au contraire, il est existentiel ».
Le site est propice à un tel engagement. Le domaine de 13 hectares présente une singulière variété de paysages et une riche biodiversité. Entre les cèdres du Liban, les arbres de Judée et les orchidées vivent des genettes (sorte de chat à très longue queue), des renards, des chouettes et une exceptionnelle colonie de sérotines, une chauve-souris qui colonise les combles du lieu.
Président du CEN-Occitanie, Arnaud Martin considère l’ORE comme un engagement à agir : « Pour un espace qui n’a pas vocation à être protégé, par exemple où il n’y a pas d’arrêté préfectoral, ou qui n’est pas une zone protégée, il s’agit d’une priorité, d’une spécificité inscrite sur le titre de propriété, qui va permettre l’élaboration d’un cahier des charges prenant en compte le vivant et des façons de faire. » Le responsable parle même d’une « ingénierie écologique » à inventer et à inclure dans le projet de l’établissement. Des questions sur lesquelles vont devoir se positionner les professionnels qui ne partagent pas toujours les mêmes visions de gestion du site.
Conservateurs du patrimoine, archéologues, architectes des bâtiments de France, paysagistes et naturalistes vont devoir s’accorder sur des actions à mener. Dans les faits, ce nouveau dialogue peut modifier les pratiques des uns et des autres. « Par exemple, à quel moment sera-t-il opportun de tondre la pelouse sans brusquer et empêcher la reproduction d’une espèce ?, reprend M. Martin. Ou que faire des arbres morts ? Naturalistes et paysagistes n’ont pas forcément la même réponse. » Autre cas concret, avec les sérotines : « Nous devons pouvoir accéder aux combles pour l’entretien et d’éventuels travaux, décrit Henri-Luc Camplo. Mais comment le faire sans nuire à la présence de ces animaux pour rester conforme à notre ORE ? C’est là que les naturalistes entrent en jeu. »
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