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en Côte d’Ivoire, la difficile lutte contre le cancer du sein

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La journaliste et autrice Agnès Kraidy à Abidjan, le 14 octobre 2022.

En ce mois d’octobre, Abidjan s’est paré de rose : par petites touches qui fleurissent sur les panneaux publicitaires, rubans discrètement épinglés sur les poitrines ou stands faisant de la prévention dans les galeries commerciales. La capitale économique de Côte d’Ivoire s’est mise aux couleurs d’« Octobre rose », la campagne internationale de lutte contre le cancer du sein, qui touche un nombre croissant d’Africaines du fait de la croissance et du vieillissement de la population. Aux pouvoirs publics se sont joints des compagnies privées et plusieurs ONG ivoiriennes, comme Echo Médias-MSSC (Mes seins sans cancer), pour alerter sur l’urgence de la situation.

« L’Afrique subsaharienne et la Côte d’Ivoire en particulier sont en pleine transition épidémiologique, explique Moctar Touré, cancérologue au CHU de Treichville, au sud d’Abidjan. On découvre le cancer, le diabète, les maladies cardiovasculaires, qui prennent le pas sur les maladies tropicales, le paludisme, la maladie du péril fécal, le VIH. » Comme ailleurs dans le monde, le cancer du sein est celui qui touche le plus les femmes. La Côte d’Ivoire a répertorié 3 306 nouveaux cas en 2020 et 1 785 décès. Des chiffres largement sous-estimés, selon le professeur Touré, faute de moyens pour diagnostiquer la maladie sur l’ensemble du territoire.

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« Les incidences du cancer du sein augmentent, mais les chances de survie aussi », précise le cancérologue, pour qui « il faut absolument sortir de cette idée fausse, encore très répandue sur le continent, que cancer égale mort. Plus on vient consulter tôt, meilleur est le pronostic ! » Les campagnes nationales de sensibilisation et de dépistage ont commencé à porter leurs fruits : il y a dix ans, trois patients sur quatre venaient consulter à un stade tardif de la maladie, estime-t-il, contre un sur deux aujourd’hui.

Combattre les préjugés

Les difficultés de dépistage tiennent aux spécificités du cancer du sein, qui touche un organe particulièrement intime. « Le sein est un organe noble », résume Moctar Touré, coauteur d’une étude intitulée « Facteurs liés au diagnostic tardif des cancers du sein en Afrique subsaharienne : cas de la Côte d’Ivoire » :

« C’est un organe nourricier, l’organe de la maternité, en même temps qu’il est lié à la sexualité, à la sensualité. On s’efforce d’aller sur le terrain pour expliquer aux gens que c’est un organe comme les autres, qu’on peut traiter et guérir, mais on se heurte à un certain ancrage dans la tradition. »

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Difficile, dans les communautés les plus conservatrices, d’accepter de se dénuder et de se laisser ausculter par un médecin. Alors les survivantes s’engagent : pour raconter leur histoire, combattre les préjugés qui gangrènent la vie des malades comme un deuxième cancer, exhiber parfois les stigmates du traitement – une courte repousse sur un crâne longtemps resté nu, un ou deux seins en moins…

« Le cancer du sein tue plus parce que nous sommes dans l’ignorance que parce que nous sommes malades »

Agnès Kraidy est l’une d’elles. Cette icône du journalisme ivoirien est devenue en 2016 l’un des étendards de la lutte contre le cancer du sein en publiant le récit de son combat aux éditions Frat-Mat : Tu me fous les boules ! Vaincre le cancer. Au côté d’une autre femme d’influence et ex-malade, la sénatrice Marie-Irène Richmond Ahoua – toute de rose vêtue, de son tailleur au bout de ses ongles vernis –, Agnès Kraidy était invitée à prendre la parole, jeudi 13 octobre au très chic Ivoire Trade Center, dans les locaux du groupe pharmaceutique suisse Roche, partenaire de longue date du gouvernement ivoirien.

Auréolée de ses cheveux courts, sanglée dans une spectaculaire robe aux motifs d’ailes de papillon, elle harangue l’audience : « Portez témoignage ! Dites ! Parlez ! Et ainsi on saura, on pourra affronter cette maladie qui tue mais dont on peut guérir. Rappelez-vous ; le cancer du sein tue plus parce que nous sommes dans l’ignorance que parce que nous sommes malades. » En marge de l’événement, et sans cesser de dédicacer ses livres d’une main patiente, elle détaille :

« Dans certains villages de Côte d’Ivoire, on considère qu’une femme atteinte de ce cancer est une sorcière qui aurait vendu son sein au diable. Elle est traitée comme telle, rejetée, marginalisée et condamnée à mourir dans la solitude. »

Reconstruire son image

La seule solution pour extirper ces mythes à la racine, préconise la journaliste, est de sensibiliser les chefs de village et les responsables religieux pour qu’ils portent cette parole dans leurs communautés. Il faut aussi expliquer qu’une prise en charge médicale est possible même pour les plus démunis, avec la possibilité d’échelonner les paiements au Centre national d’oncologie médicale et de radiothérapie Alassane-Ouattara (CNRAO) ou d’y monter un dossier pour obtenir un financement privé.

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Reste l’épineuse question de la non-conformité du corps malade aux normes de beauté encore largement validistes, en Côte d’Ivoire comme ailleurs. Comment accepter un traitement qui nous coûtera nos cheveux ou notre poitrine ? Là aussi, les survivantes s’efforcent de témoigner qu’il est possible de reconstruire son image et, une fois guérie, de retrouver foi en sa beauté. Comme l’une des administratrices du groupe Facebook « J’ai le cancer et alors ? », qui a subi une mastectomie unilatérale :

« Les malades du cancer sont des personnes à part entière. Souvenez-vous de ça quand vous leur parlez, soyez conscients du regard que vous portez sur elles. Moi je n’ai pas honte de mon corps. Parfois, je sors dans mon quartier sans soutien-gorge, on me regarde et je me dis : oui j’ai un sein, et alors ? J’ai survécu et je suis fière. »

Fierté partagée par une autre malade, Marie-Chantal Nessemon, employée de maison de 48 ans, encore en cours de traitement : elle a déjà effectué quatre cycles de chimiothérapie sur les huit que lui a prescrits l’oncologue. « Je n’ai plus de cheveux sur la tête à l’heure où je vous parle, mais je n’ai pas honte. Je vais au travail comme ça, sans perruque, ça ne me dérange pas. » Le dimanche, après le culte, elle encourage les jeunes femmes de sa paroisse à pratiquer l’autopalpation. Elle dit avoir retrouvé l’espoir de vivre et attend avec impatience sa rémission prochaine. Alors peu lui importe son crâne chauve : « Des cheveux, après tout, ça repousse»

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Written by Stephanie

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