C’est la société Merck elle-même qui a pris soin de l’annoncer, dans un communiqué publié mercredi 19 octobre à l’aube : la firme pharmaceutique a été mise en examen pour « tromperie aggravée » dans l’affaire du Levothyrox. Le président de Merck France, Thierry Hulot, avait été entendu, la veille, par la juge d’instruction du pôle de santé publique du tribunal judiciaire de Marseille.
Une enquête pénale avait été ouverte en mars 2018 pour « tromperie aggravée, blessure involontaire et mise en danger d’autrui », étendue un an plus tard au chef d’« homicide involontaire », après la mort d’une femme de 48 ans attribuée par ses proches au changement de formule du médicament. Merck n’est finalement mis en examen que du chef de « tromperie aggravée ». Dans le volet civil de l’affaire, le laboratoire allemand a déjà été condamné à indemniser plus de 3 300 plaignants pour « préjudice moral » – Merck s’était pourvu en cassation, mais a été débouté en mars.
Le laboratoire a été placé sous contrôle judiciaire à l’issue de sa mise en examen. Dans le cadre de ce contrôle judiciaire, Merck doit verser une caution de 4,3 millions d’euros à régler en deux temps en décembre et en janvier : 4 millions pour garantir le paiement d’amendes et la réparation des dommages causés par l’infraction, et 300 000 euros pour garantir sa représentation en justice et les actes de procédure. Par ailleurs, Merck doit garantir les droits des victimes, en l’espèce constituer une sûreté sous la forme d’une garantie bancaire de 7 millions d’euros. L’affaire, tentaculaire, totalise 10 500 plaintes et 3 000 constitutions de parties civiles.
Afflux de signalements d’effets indésirables
« Nous n’avons pas jusqu’alors eu accès au dossier d’instruction, car nous n’étions pas partie prenante dans le cadre de l’information judiciaire, déclare la firme dans son communiqué. Nous allons donc désormais pouvoir prendre connaissance de l’ensemble des éléments de ce dossier et apporter toute précision nécessaire afin de faire établir qu’aucune infraction pénale, de quelque nature que ce soit, n’a été commise. »
Mis en place en mars 2017, le changement de formule du Levothyrox s’est accompagné tout au long de l’année suivante d’un afflux de signalements d’effets indésirables, parfois très invalidants : troubles digestifs, maux de tête, troubles cognitifs, asthénie sévère, perte de cheveux, etc. Plusieurs dizaines de milliers de patients – soit une petite fraction des plus de deux millions de malades de la thyroïde traités avec ce médicament – ont ainsi déclaré des effets qu’ils attribuent au remplacement d’un excipient dans la nouvelle formule. La firme allemande, des médecins leaders d’opinion, et les autorités sanitaires ont largement accrédité, plusieurs mois durant, la thèse d’un effet « nocebo » alimenté par le bruit médiatique autour de l’affaire.
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