Leurs cabanes haut perchées dans les arbres ont demandé des heures de travail. Ils y passent la nuit dans la fraîcheur de la montagne, ou bien dorment sous des tentes au sol, voire à la belle étoile. Les occupants de la ZAD de La Clusaz (Haute-Savoie) défendent les épicéas, sorbiers, et bouleaux du bois de la Colombière, ses myrtilles, sa zone humide, ainsi que les seize espèces de mammifères et trente-trois espèces d’oiseaux protégées qui fréquentent le plateau préservé de Beauregard. Depuis le 23 septembre, ils ont installé leur campement à l’entrée de la future route qui doit desservir une retenue d’eau, située à 1 500 mètres d’altitude, destinée essentiellement à produire de la neige artificielle. Leur credo est affiché sur des panneaux : « retenues collinaires = projets mortifères ».
Jeudi 20 octobre, le tribunal administratif de Grenoble devait examiner en référé la demande de cinq associations, dont France Nature Environnement, la Ligue de protection des oiseaux et Mountain Wilderness France. Sur la sellette : l’autorisation préfectorale qui permet de déroger aux règles interdisant de porter atteinte aux espèces protégées. Sans elle, le chantier ne peut démarrer. Si l’argumentaire des associations convainc la justice, les travaux ne pourront probablement pas commencer cet automne : ils ne peuvent avoir lieu au-delà du 30 novembre afin de respecter l’hibernation de la nature. Dans le cas contraire, les pouvoirs publics pourraient sonner la charge pour expulser les zadistes.
Comme à Sivens dans le Tarn, où un projet de barrage avait suscité des affrontements avant le gel de 2014, l’eau sème la discorde en Haute-Savoie. Un appel à manifester est lancé vendredi à La Clusaz, en faveur de la retenue. Ces tensions ébranlent les habitudes dans la petite commune de moyenne montagne de 1 700 habitants en automne, et importante station de ski en hiver, où plus de quatre logements sur cinq sont voués au tourisme.
C’est pour garantir l’enneigement de la station que quatre hectares doivent être artificialisés pour construire la retenue d’eau, sans compter l’emprise de la route, ni les canalisations jusqu’aux canons enneigeurs. Une digue de 12 mètres de haut doit border l’infrastructure. Comme à Sivens encore, le projet de retenue peut paraître modeste avec son volume de 148 000 mètres cubes, mais il interroge sur l’usage de l’eau : s’il se réalise, ce serait le cinquième réservoir de ce genre aménagé sur le territoire de la commune – soit une capacité actuelle de 271 000 m³ –, essentiellement pour fournir une sous-couche glacée à un tiers environ des 125 kilomètres de pistes du domaine skiable de La Clusaz-Manigod.
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