Le port de Hambourg, troisième port commercial européen, est volontiers surnommé en Allemagne la « porte du monde ». Sur ces quelque 7 000 hectares hérissés de grues transite l’essentiel des échanges de marchandises entre la première économie européenne et le reste du monde. Beaucoup des porte-conteneurs géants qui mouillent dans le port sur l’Elbe viennent de Chine, premier partenaire commercial de l’Allemagne, avec 246 milliards d’euros de biens échangés en 2021. Peu d’infrastructures sont aussi critiques pour le bon fonctionnement du « made in Germany ».
Il y a un an, le 21 septembre 2021, la société gestionnaire du port de Hambourg (HHLA) et le transporteur maritime chinois Cosco ont conclu un accord, passé à l’époque inaperçu, destiné à faciliter les échanges de conteneurs. Le contrat prévoit la vente à Cosco d’une participation de 35 % dans une société gérant un terminal à conteneurs, Tollerort, le plus petit des quatre exploités par HHLA, pour un montant de 65 millions d’euros. L’idée est de faire du site un « preferred hub », un point de transbordement privilégié pour Cosco. L’opération, qui attend depuis un an son approbation par les autorités, pourrait bien ne pas être finalisée tant elle suscite de questions au sein de la coalition gouvernementale allemande et au-delà, sur la conduite à tenir vis-à-vis de la Chine.
« Que faut-il qu’il se passe encore dans le monde pour que l’Allemagne comprenne enfin qu’elle ne doit pas se soumettre aux ennemis du monde libre ? », a tweeté Marie-Agnes Strack-Zimmermann, députée du FDP
Les Verts et les libéraux du FDP, les deux partis alliés du Parti-social démocrate (SPD) au sein du gouvernement, s’opposent à la chancellerie qui tente de passer l’accord avec Cosco en force. « Que faut-il qu’il se passe encore dans le monde pour que l’Allemagne comprenne enfin qu’elle ne doit pas se soumettre aux ennemis du monde libre ? », a tweeté Marie-Agnes Strack-Zimmermann, députée du FDP. Selon la presse allemande, six ministères compétents dans cette affaire partagent ce point de vue : ceux de l’économie et des affaires étrangères, gouvernés par les Verts, ceux des transports et de la justice, dominés par les libéraux, mais aussi ceux de l’intérieur et de la défense, dirigés par le SPD. Dans une fronde inédite, ils font pression sur le chancelier pour qu’il empêche l’opération, pour l’instant sans succès.
Olaf Scholz a été maire de Hambourg entre 2011 et 2018. Il est resté proche de son successeur, le social-démocrate Peter Tschentscher, qui plaide en faveur de l’accord. Il ne s’agit pas de la vente d’une partie du port, qui reste sous contrôle de l’autorité portuaire, mais d’une participation à un terminal, explique-t-il, en ajoutant qu’il y va de la compétitivité de Hambourg par rapport à ses concurrents, Rotterdam et Anvers, lesquels ont autorisé de telles participations. S’ajoute à cela l’inquiétude de certains sociaux-démocrates que des millions d’emplois soient menacés si les relations commerciales avec la Chine venaient à se détériorer. Olaf Scholz a prévu de se rendre à Pékin début novembre avec une délégation économique. L’intérêt des patrons à en faire partie, après deux ans et demi de pandémie, est très fort, fait valoir la chancellerie.
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