La montée des tensions puis l’éclatement de la guerre en Ukraine ont provoqué une crise énergétique majeure en Europe, rappelant les mauvais jours des chocs pétroliers des années 1970. En France, cette situation s’est doublée d’un malencontreux hasard de calendrier, puisque la moitié environ du parc électronucléaire aura été indisponible cette année pour diverses raisons de maintenance, plus ou moins anticipables.
Les ménages et les entreprises de France et d’Europe se retrouvent donc en proie à une inflation soudaine des prix de l’énergie et face à un risque sérieux de pénurie au tournant de cet hiver. Si rien n’est fait, les anticipations actuelles laissent même craindre une nouvelle envolée en 2023 par rapport à 2022.
Au plus mauvais moment
Dans ce contexte tendu, le fonctionnement du marché européen de l’électricité a très vite été désigné comme un fardeau particulièrement lourd pour les entreprises et les ménages français, les contraignant en quelque sorte à partager avec leurs voisins les mérites du nucléaire – dont les usagers français ont soutenu l’investissement pendant de longues années –, et surtout à prendre une part imméritée au tribut que représente désormais en Europe le prix du gaz, et de l’électricité fabriquée à partir de gaz.
La tentation devenait grande, dans la presse comme à l’Assemblée, de proposer une sortie du marché européen de l’électricité. Pourtant, comme le montre une étude de La Fabrique de l’industrie à paraître en novembre, les faits ne plaident pas pour une décision si radicale ; ils invitent plutôt à une réforme en profondeur du marché européen de l’électricité.
En effet, l’envolée de la facture énergétique des industriels français en 2022 aura relevé pour moitié de problèmes domestiques et notamment de l’indisponibilité du parc nucléaire. Disons-le franchement : les ménages comme les entreprises se seraient bien passés de ce particularisme tombant au plus mauvais moment, et qu’il était sans doute possible d’éviter. Sans possibilité d’importer de l’électricité en provenance de nos voisins, la situation aurait été plus pénalisante encore.
D’autant plus que le doublement de la facture énergétique des entreprises industrielles observé en un an – ce qui est considérable – n’est pas lié à l’interconnexion des marchés européens. Cette interconnexion est même plutôt un atout, à la fois une source de résilience en cas de pénurie et un gisement d’exportations dans les meilleurs jours, qu’il serait mal avisé de remettre en cause.
Souveraineté et solidarité
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