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derrière “la neutralité carbone”, la Coupe du monde du “greenwashing”

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Depuis que le Qatar s’est vu attribuer la Coupe du monde de football, en 2010, il n’a cessé d’exprimer de hautes ambitions sur la question climatique, jusqu’à promettre d’en faire “le premier Mondial neutre en carbone”. S’il a multiplié les initiatives vertes pour montrer sa bonne foi, les défenseurs de l’environnement ne cessent de dénoncer un “greenwashing”. 

L’organisation d’une Coupe du monde de football n’est jamais sans conséquences pour la planète. Mais le Mondial-2022, qui doit démarrer le 20 novembre au Qatar, avec ses stades climatisés tout juste sortis de terre et ses 150 trajets quotidiens en avion pour acheminer les supporters, restera certainement décrié par les défenseurs de l’environnement comme l’une des plus grandes “aberrations écologiques” de l’histoire de la compétition. 

Ses organisateurs ont pourtant fait preuve de hautes ambitions concernant la question climatique : en janvier 2020, le Qatar promettait d’en faire le premier Mondial “neutre en carbone”. Quelques mois plus tard, en septembre, il détaillait sa feuille de route pour relever le défi. “Nous y arriverons en mesurant, réduisant et compensant toutes les émissions de gaz à effet de serre associées au tournoi”, expliquait alors son comité d’organisation. Utilisation massive d’énergies renouvelables, matériaux éco-responsables, compensation en crédits carbone… “Le Mondial au Qatar aura un impact positif sur la manière dont les prochaines Coupe du monde et autres événements sportifs de haute envergure seront organisés”, répétait-il.

“Cette promesse de neutralité carbone n’est absolument pas crédible”, dénonce Gilles Defrasne, auteur d’un rapport sur le sujet pour l’ONG belge Carbon Market Watch. “Nous sommes dans un exemple flagrant de greenwashing.” 

En juin 2021, un rapport de la Fifa indiquait que la Coupe du monde 2022 produirait jusqu’à 3,6 millions de tonnes de dioxyde de carbone. À titre de comparaison, la France en relâche environ 4,2 millions de tonnes chaque année. Le Mondial en Russie, en 2018, avait quant à lui généré 2,1 millions de tonnes de CO2. “C’est inhérent à ce type de compétitions qui rassemble des supporters du monde entier au même endroit. Dans l’état actuel des choses, une Coupe du monde de football ne peut pas être écologique. Malgré des efforts, l’impact environnemental restera important”, explique Gilles Dufrasne. “Selon moi, c’est d’ailleurs le véritable problème. Alors qu’il serait largement temps de prendre en compte cette réalité pour l’organisation des prochains Mondiaux, la Fifa préfère lancer une campagne de greenwashing.” 

>> À lire aussi : Après le Qatar, une Coupe du monde plus “verte” est-elle possible ? 

“En plein cœur du désert, chaque geste humain a un impact”

La grande majorité des émissions de CO2 en lien avec la Coupe du monde sont générées par les transports et la construction des infrastructures. Au moment de l’attribution de l’événement, en 2010, le Qatar avait comme grand argument de pouvoir limiter les déplacements en organisant une compétition centralisée, concentrée autour d’un aéroport et dans une seule ville, Doha.

Ces dix dernières années, le Qatar a donc tenté de mettre l’accent sur une réduction des émissions en multipliant les initiatives vertes. Alors que cet État gazier figure au premier rang mondial des émissions de CO2 par habitant – elles atteignaient 32,5 tonnes métriques en 2019 selon la Banque mondiale –, il a notamment annoncé un gigantesque plan solaire destiné à couvrir 10 % de ses besoins énergétiques ou encore une généralisation de l’usage des voitures électriques d’ici 2030. 

À quinze jours de la compétition, la vitrine de ses efforts est sans nul doute l’écoquartier de Msheireb, en plein centre de Doha, l’un des plus grands chantiers de construction du Mondial. Des panneaux solaires y brillent sur les toits des immeubles, tous desservis par un tram. Au milieu des hôtels, boutiques et logements, des arbres plantés et des petits plans d’eau viennent rafraîchir l’atmosphère.

Une rue de l'écoquartier de Msheireb, construit à l'occasion du Mondial-2022, au Qatar, le 28 juin 2022.
Une rue de l’écoquartier de Msheireb, construit à l’occasion du Mondial-2022, au Qatar, le 28 juin 2022. AFP – KARIM JAAFAR

Des initiatives intéressantes et à saluer, mais qui restent largement insuffisantes pour compenser les dégâts pour la planète, selon Jonathan Piron, historien et auteur de “Qatar, le pays des possédants : du désert à la Coupe du monde”. “Il ne faut pas oublier les caractéristiques géographiques du Qatar. Dans ce pays en plein cœur du désert, chaque geste humain a un impact plus important qu’ailleurs sur l’environnement”, explique-t-il.

“Déjà parce que le pays n’est pas du tout autonome dans l’accès aux matières premières. Pour chaque bâtiment construit, il a certainement fallu importer, par avion, de nombreux matériaux”, poursuit-il. “Par exemple, installer des panneaux solaires, c’est très bien. Mais il faut les construire puis les recycler quand ils sont en fin de vie. Or, dans un climat comme celui-ci, ils s’abîment plus vite. Est-ce que cela a été pris en compte ?”

Pour l’historien, le gazon sur lequel les joueurs se rencontreront à partir du 20 novembre est une parfaite illustration du problème. “Peu importe les efforts effectués par la Fifa pour répondre aux normes, il a fallu faire venir des centaines de tonnes de semences de gazon des États-Unis, dans des avions climatisés. Alors que le pays manque d’eau, il a ensuite fallu les faire pousser en les arrosant avec de l’eau de mer dessalée – un processus qui coûte cher en énergie et qui perturbe beaucoup l’écosystème”, déplore-t-il. Au total, chacun des huit stades construits à l’occasion du Mondial nécessite 10 000 litres d’eau dessalée par jour en hiver, 50 000 litres en été, selon un enquête menée par Reuters.

“Quand on parle de l’impact environnemental, il ne faut pas seulement considérer le mois où les équipes et le public seront là. Toute la pollution générée depuis dix ans pour accueillir l’événement compte”, résume-t-il. 

La réutilisation des infrastructures en question

Au centre du problème, se pose ainsi la question de la réutilisation des infrastructures construites pour l’occasion. “À qui est destiné l’écoquartier de Msheireb ? Que deviendra-t-il après la Coupe du monde ? Est-il destiné à héberger des expatriés ? Si c’est le cas, est-on sûrs qu’il trouvera preneur ?”, interroge Jonathan Piron. Autrement dit, la pollution générée vaut-elle le coût ?

La même interrogation subsiste autour des stades. Selon Carbon Market Watch, l’empreinte carbone autour de leur construction pourrait avoir été sous-estimée d’un facteur huit. Il faudrait ainsi comptabiliser 1,6 million de tonnes de CO2 au lieu des 0,2 million affichés par la Fifa et les autorités du Qatar. 

“Doha estime qu’il faut diviser l’empreinte carbone de leur construction par leur soixante années de durée de vie, assurant qu’ils vont resservir”, explique Gilles Dufrasne. “Mais pour le moment, les autorités restent très floues sur ce qu’elles vont en faire. Et dans ce pays de seulement 2,4 millions d’habitants, on estime qu’il y a un vrai risque pour qu’ils ne resservent que très ponctuellement.”

Le Qatar a d’ores et déjà assuré que ces stades serviront à accueillir la Coupe d’Asie de football, à l’été 2023. Six d’entre eux seront ensuite dédiés à des usages grand public, pour des écoles, des hôtels ou des clubs. Le septième sera entièrement démonté. “Ce stade pose aussi beaucoup de questions. Il est censé être démontable et transportable pour pouvoir servir dans de futures compétitions dans le monde entier. Pour le moment, nous n’avons absolument aucune information sur le lieu où il pourrait être réutilisé. Or, on sait aussi qu’il est plus coûteux en CO2… S’il faut lui faire parcourir des milliers de kilomètres jusqu’à sa prochaine destination, ce n’est pas sûr que la planète y gagne.”

À ces problématiques s’ajoute la controversée climatisation des stades, perçue dans les pays occidentaux comme le symbole de cette “aberration écologique”. “En réalité, c’est relativement minime par rapport aux émissions totales même si évidemment, ce serait mieux que les stades ne soient pas climatisés du tout”, assure Gilles Dufrasne.

Une dernière source de pollution est venue perturber les plans des autorités : le transport aérien. Alors qu’elles espéraient limiter les déplacements internes pendant le mois de compétition, des spectateurs effectueront sans cesse des vols aller-retour depuis les pays voisins. On annonce déjà plus de 150 vols allers-retours quotidiens.

Compensation carbone

Pour tenir leur promesse d’une neutralité carbone, la Fifa et le Qatar assurent qu’ils compenseront toutes leurs émissions de gaz à effet de serre en achetant des crédits carbone, c’est-à-dire en soutenant des programmes de réduction ou de séquestration de CO2 partout dans le monde. “À deux semaines de l’événement, on est loin du compte”, tance Gilles Dufrasne. Un crédit correspond à une tonne de CO2. Le Qatar doit donc acheter 3,6 millions de crédits. À ce jour, il n’en a acheté que 200 000.

“Et pour le moment, ces crédits sont peu susceptibles d’avoir un impact positif sur le climat”, poursuit-il. “Notamment parce qu’ils financent des projets qui en avaient peu besoin.” Les trois projets financés comprennent le développement des énergies renouvelables en Turquie, “un projet viable économiquement, qui aurait vu le jour avec ou sans l’aide du Qatar”, estime Gilles Dufrasne.

“Sans compter que des organisations internationales de compensation carbone existent déjà mais la Coupe du monde a préféré créer son propre programme”, poursuit-t-il. “Cela pose une vraie question de transparence et de crédibilité.”

Au-delà de ça, le système même de compensation carbone est sujet à débats. “Financer des bonnes actions ailleurs dans le monde ne répare pas les dégâts que l’on fait”, déplore Jonathan Piron. “Là encore, c’est un exemple typique de greenwashing.”

La Coupe du monde au Qatar au-delà du football :

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Written by Stephanie

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