La pollution plastique dans le golfe du Saint-Laurent est «un désastre environnemental», témoigne une équipe de chercheuses parties étudier le phénomène à bord d’un voilier. Elles dénoncent l’effet de cette pollution et des changements climatiques sur la biodiversité.
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«Partout on a constaté l’omniprésence de la pollution plastique sur les berges. On avait des hypothèses, on soupçonnait que certains lieux étaient plus pollués que d’autres. Mais là, on parle de désastre environnemental» laisse tomber Anne-Marie Asselin, cheffe de la mission et directrice générale d’Organisation Bleue.
Pendant 17 jours, les sept chercheuses de l’Expédition Bleue ont collecté des débris qui se trouvaient sur les berges et au cœur des gyres du golfe du Saint-Laurent, ces immenses tourbillons d’eau formés d’un ensemble de courants marins.
Plus d’un quart de tonne de déchets a été prélevé dans 10 stations d’échantillonnage — sur des sites protégés par le provincial ou le fédéral — entre Sept-Îles, sur la Côte-Nord, et Havre-Aubert, aux Îles-de-la-Madeleine
Des couches et des couches de plastique
Sur le versant sud de l’Ile d’Anticosti, celui exposé vers le golfe du Saint-Laurent, il y a des couches et des couches de pollution plastique, dit Mme Asselin. C’est pourtant une zone complètement sauvage et inhabitée!»
«On a retrouvé des bouteilles de plastique et de shampoing sur plusieurs littoraux comme Anticosti, illustre-t-elle. Ça reflète bien la manière dont on consomme au Québec depuis les dernières décennies.»
La pêche commerciale est aussi une grande responsable de la pollution, observent les sept chercheuses de l’Expédition Bleue.
«Beaucoup d’engins de pêche fantômes se retrouvent sur les berges: des cordages, des filets, des lignes. On croit qu’ils sont propulsés par les courants marins du gyre», la biologiste marine.
Il reste toujours à faire la démonstration scientifique que des sites sont plus pollués que d’autres à cause du phénomène des gyres, «mais ça ne risque pas d’être bien difficile», estime Mme Asselin.
Absence anormale de grands rorquals
L’équipage du voilier EcoMaris a aussi observé les effets de cette pollution sur la biodiversité.
«Dans certaines zones, [elle] cohabite carrément avec le plastique», lance Anne-Marie Asselin, qui cite l’archipel de Sainte-Marie sur la Côte-Nord qui abrite un refuge d’oiseaux migrateurs, comme le macareux moine.
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Autre constat alarmant: l’absence jugée anormale de grands rorquals dans le golfe du Saint-Laurent qui est pourtant leur garde-manger, surtout durant la période estivale.
«Le détroit de Jacques-Cartier [entre l’Île d’Anticosti et la péninsule du Labrador au Québec], c’est un hot spot pour les baleines», souligne la biologiste marine, Viridiana Jimenez-Moratalla, qui a étudié cette zone du Saint-Laurent de 2014 à 2019.
«Les baleines suivent leur bouffe. Si elles ne sont pas où elles se nourrissent, ça veut dire qu’il y a des changements qui sont en train de se produire dans la chaine alimentaire, prévient-elle. C’est un signal d’alarme assez important. On peut se demander où se sont déplacées leurs proies.»
L’eau du fleuve qui se réchauffe et de moins en moins oxygénée, sont des hypothèses en plus du plastique, selon Mme Jimenez-Moratalla.
Plus de recherche pour s’adapter à la crise climatique
À quelques jours des élections, Anne-Marie Asselin tient à rappeler qu’il est un devoir du gouvernement de resserrer les règles pour diminuer la pollution plastique.
«Personne n’avait encore échantillonné la pollution plastique sur les berges du golfe et du microplastique dans les gyres. Ce n’est pas normal. On s’entend que ce n’est pas une recherche innovante», fait-elle valoir.
Elle rapporte une «tension dans la communauté scientifique» devant le manque d’efforts et de budgets octroyés à la recherche.
«Il faut monitorer ce qui se passe chez nous et investir dans la surveillance pour mieux comprendre la crise climatique et s’adapter. On l’a vu avec l’ouragan aux Îles-de-la-Madeleine. La facture va être extrêmement salée à l’autre bout si on ne fait rien», plaide la spécialiste.
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